8 novembre 2024 - Maltraitance / Santé / Soins et Bien être

Que sait-on sur… le comportement, la cognition et le bien-être des ânes ?

Dossier
Le bien-être des ânes

© N. Genoux / IFCE

Au cours d’une récente webconférence, Alice Ruet, éthologiste de l’IFCE/INRAe basée à Saumur a présenté la synthèse d’une revue de la littérature scientifique entre 1981 et 2020 sur cette thématique, soit 75 articles. Voici quelques morceaux choisis et points saillants :

1/ L’âne est un animal diurne, territorial et sociable… 

La répartition de ses activités d’exploration et d’alimentation est très dépendante du cycle jour-nuit, de la saison et la disponibilité des ressources. On note une recherche d’abri quand la température baisse sous -10°C, qu’il pleut et vente, plus importante que le cheval.

Les troupeaux féraux vivent en groupes non stables selon l’environnement. Ces groupes présentent une hiérarchie non linéaire. Les ânes domestiques ont parfois des liens forts avec un compagnon privilégié.

2/ … qui peut exprimer son stress par l’immobilité

Une expérience conduite sur 300 ânes de 9 mois à 23 ans et dépeignant leur palette de comportements face à des situations inhabituelles montre des réactions plutôt calmes, d’attente et de curiosité. L’immobilité semble être une expression assez caractéristique d’une situation de stress.

3/ Il est sensible tactilement, mais plutôt mesuré dans ses réactions à la nouveauté

La personnalité est l’ensemble des caractéristiques comportementales stables dans le temps et entre situations. La peur, la grégarité et la sensibilité tactile sont évaluées par des tests standardisés. Assez sensibles tactilement (ils sont capables de percevoir une stimulation de 0,02 à 1 g sur leur peau), les ânes d’un an vocalisent en moyenne moins, s’écartent moins loin d’un objet nouveau, passent plus rapidement sur une surface inconnue, se laissent attraper plus facilement que des chevaux de trait de 1 an. 

4/ Sa cognition spatiale et physique est en cours d’évaluation mais…

Les ânes évalués semblent garder plus longtemps que les chevaux en mémoire la localisation d’une cible d’intérêt (seau d’aliment) malgré la perte du contact visuel. De même, la mise en œuvre d’un détour (clôture à ouverture décalée) pour atteindre cette cible semble plus efficace que chez le cheval (moins de persévérance dans l’erreur que ce dernier). Pour ces deux exercices, les mules, plus rapides/efficientes, semblent bénéficier d’une vigueur hybride, déjà documentée par ailleurs. 

5/ Des outils permettent d’évaluer son état de bien-être – testez-les !

Le bien-être est l’état mental et physique positif, qui découle de la satisfaction des besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que des attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal (ANSES, 2018). C’est un état subjectif et chronique.

Si l’on fait un focus sur le protocole AWIN pour les ânes : https://air.unimi.it/retrieve/handle/2434/269100/384805/AWINProtocolDonkeys.pdf, on trouve des indicateurs centrés sur l’animal (comportement, critères physiologiques et sanitaires) et d’autres centrés sur son milieu de vie et sa gestion (autoévaluation de la bientraitance).

La réalisation méthodique et objective du protocole permet de caractériser plus finement l’état de bien-être des animaux ainsi que mettre en évidence des pistes pour l’améliorer. Par exemple, sur 278 ânes répartis dans 20 structures en Angleterre et Italie, 26% étaient en surpoids, 15% souffraient d’un mauvais entretien des pieds, 18% évitaient l’humain en approche.

6/ Il exprime sa douleur par des mimiques faciales – apprenez à les reconnaître !

La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle déplaisante associée/ressemblant à celle associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle. Une échelle composite de douleur a été développée à partir de l’observation de 79 ânes souffrant de coliques, douleurs orthopédiques, dentaires ou post-opératoires, comparés avec 185 ânes sans douleur. Les différents comportements ont été répertoriés et classifiés (Van Dierendonck et al., 2020). Les voici : 

Ânes sans douleursÂnes avec douleurs
Attitude généraleAlerteDéprimée
PostureDeboutAssis sur les postérieurs / muscles très tendus
Distribution du poidsNormaleAnormale
Se coucheNonSe couche anormalement
Port de têteAu-dessus du garrotSous le garrot
Position des oreilles > 75% du tempsAvantArrière/côté/plate
Mouvements de queuePosition normale sans fouaillement> 4 fouaillements et/ou queue plaquée
Se tape l’abdomenNon> 2
Gratte le solNon> 2
TranspirationNonExcessive
Grincements de dentsNon> 4
Changement de comportement du groupeNonLes autres partent
MangeNormalNon intéressé
MouvementNormalPas de mouvement
Respiration12-28/min> 36/min
Réaction aux observateursNormaleNon
Réaction à la palpation des zones douloureusesNonForte
Fréquence cardiaque32-52/min> 68/min
Température rectale35,7-38°C< 34,6 ou > 39,1°C
Bruits digestifsNormauxAnormaux

Échelle composite de douleur (d’après Van Dierendonck et al., 2020)

D’après la même étude, l’observation permet également d’identifier des expressions faciales plus ou moins subtiles caractérisant la douleur, comme :

  • Mouvements de la tête
  • Paupières
  • Attention
  • Naseaux
  • Lèvres
  • Tension des muscles de la face
  • Flehmen/baillement
  • Position des oreilles
  • Orientation des oreilles en fonction des stimuli auditifs
  • Sursaut/headshaking
  • Grincement des dents
  • Transpiration derrière les oreilles

Par Laetitia LE MASNE (IFCE)

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Pour en savoir plus :

  • DE SANTIS M., SEGANFREDDO S., GALARDI M., MUTINELLI F., NORMANDO S. and CONTALBRIGO L. (2021). Donkey behaviour and cognition : A literature review. Applied Animal Behaviour Science, 244, page 105485.
  • RUET A. (2024). Ânes : comportement, bien-être et cognition. Webconférence IFCE, 05/03/2024.

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