19 novembre 2021 - Santé

Pâturage mixte équins-bovins

Dossier
Pâturage mixte équins-bovins

© Briot L. (IFCE)

Lorsqu’équins et bovins partagent la même parcelle, que cela donne-t-il ?

Pourquoi s’intéresse-t-on au pâturage mixte ? En quoi consiste-il ?

Aujourd’hui, de nombreuses réflexions sont entreprises afin de faire évoluer nos systèmes de productions agricoles de manière à ce qu’ils soient plus durables et mieux armés face aux aléas économiques, climatiques ou encore sanitaires. Pour cela, la mise en place de pratiques agro-écologiques dont le but est d’amplifier les processus naturels pour concevoir des systèmes qui soient productifs, peu artificialisés, respectueux de l’environnement et moins dépendants des intrants, est essentielle. Pour les productions animales, un des principes est de mobiliser la diversité qui peut exister au sein des systèmes pour en tirer parti. Cette diversité peut, par exemple, se traduire par la mixité d’espèces au pâturage. Elle se définit comme la conduite de plusieurs espèces d’herbivores sur une même surface de manière simultanée ou alternée à l’échelle d’une saison de pâturage.

Les bénéfices attendus sont :

  • D’une part une meilleure valorisation de l’herbe, permettant une diminution des achats d’aliments ;
  • D’autre part une réduction du parasitisme gastro-intestinal des animaux, permettant une réduction de l’utilisation de traitements antiparasitaires chimiques. Ceci contribue à la diminution de l’apparition de parasites résistants et de rejets de molécules toxiques dans l’environnement.

Et lorsque que des chevaux et des bovins partagent la même parcelle, cette association fonctionne-t-elle ?

Des comportements alimentaires complémentaires

De par leur physiologie digestive, les chevaux sont moins contraints que les ruminants par la nécessité de réduire la taille des particules alimentaires pour permettre leur passage dans le tractus digestif. La rapidité de leur transit leur permet d’ingérer de plus grandes quantités de matière sèche que des bovins de même format, en particulier des fourrages grossiers. En dépit de leur faculté à exploiter l’herbe « âgée », les chevaux privilégient la consommation d’herbe de bonne qualité. Ils entretiennent ainsi des zones végétatives rases au sein du couvert et évitent les zones d’herbes hautes (zones de « refus ») où ils concentrent leurs déjections.

Le pâturage des bovins et équins© Soares Bolzan A.M. (IFCE-INRAE)

Du côté des bovins, cela ne se passe pas de la même façon. Ces derniers vont plutôt sélectionner des zones où l’herbe est intermédiaire à haute. En effet, contrairement aux équins, ils prélèvent l’herbe grâce à leur langue et ne possèdent pas de double rangée d’incisives, ce qui limite leur utilisation d’une végétation rase.

Le pâturage des bovins et équins© Soares Bolzan A.M. (IFCE-INRAE)

Par ailleurs, le fait que les chevaux n’aient pas la capacité de détoxifier les composés secondaires présents dans les dicotylédones les conduit à sélectionner les graminées et à consommer moins de légumineuses et de plantes diverses que les bovins.

L’exploitation de la prairie par les deux espèces est donc complémentaire.

Il est important de noter que, même si les chevaux préfèrent pâturer l’herbe jeune, il est possible de les contraindre, avec un chargement suffisant, à valoriser des zones faiblement pâturées par des bovins conduits à chargement faible à modéré, et donc à jouer aussi ce « rôle d’entretien / nettoyage des parcelles ».

Des parasites spécifiques de chaque espèce

De nombreux nématodes ont une forte spécificité vis-à-vis de leur hôte. Ainsi, lorsque qu’un herbivore ingère une larve infestante d’un parasite spécifique d’une autre espèce, celle-ci n’est pas en mesure de poursuivre son cycle de développement. On parle alors de phénomène de dilution de la charge parasitaire entre espèces.

Les chevaux et les bovins partagent une seule espèce de strongles en commun : Trichostrongylus axei. Cette espèce semble peu pathogène chez les équins et les bovins, même si peu d’études existent à son sujet. L’agent de la grande douve du foie, Fasciola hepatica, est également un parasite commun entre les deux espèces.

Des projets de recherche en cours pour préciser les bénéfices de la mixité équins-bovins en zones herbagères

Faire pâturer des bovins avec des équins est une pratique souvent rencontrée en zones d’élevage herbagères, mais les bénéfices escomptés de cette association nécessitent d’être objectivés. Deux projets de recherche sont actuellement en cours d’analyse (EquiBov et PaturBovEquin). Ces deux études ont pour objectif de comparer : (1) un pâturage mixte simultané entre des chevaux de selle et des bovins allaitants à un pâturage spécialisé équin et/ou bovin suivant différentes conduites de pâturage et conditions pédoclimatiques, (2) les pratiques de gestion de l’herbe, du parasitisme et d’organisation du travail entre des élevages mixtes chevaux de selle-bovins allaitants et des élevages spécialisés de chevaux de selle.

Le pâturage des bovins et équins

 

Voici une synthèse des principaux résultats disponibles :

Une meilleure valorisation de l’herbe pâturée dans les élevages mixtes

Suite aux différentes enquêtes réalisées dans le Massif Central, il en ressort que :

  • Les élevages mixtes enquêtés sont de plus grande taille : la Surface Agricole Utile (SAU) des élevages mixtes est en moyenne 3,5 fois plus élevée que celle des élevages équins spécialisés (91 ha vs. 33 ha).
  • Le chargement des surfaces pâturées durant la saison à l’herbe est plus élevé dans les élevages mixtes que dans les élevages spécialisés (en moyenne 1,20 vs. 0,93 UGB/ha de Surface Fourragère Principale (SFP)).
  • Les achats de fourrages sont 10 fois inférieurs dans les élevages mixtes (0,06 vs. 0,60 t MS/UGB/an).
  • Une diminution de la fertilisation minérale dans les élevages mixtes (4 vs. 25 % de la SFP).
  • Les élevages mixtes ont moins fréquemment recours au gyrobroyage (71 vs. 84 % de la SFP uniquement pâturée qui est aussi gyrobroyée).

L’ herbe pâturée est donc mieux valorisée dans les élevages mixtes.

Les jeunes chevaux sont moins infestés lorsqu’ils pâturent avec les bovins

Des prélèvements de crottins ont également été réalisés sur des jeunes chevaux (1,5 à 3,5 ans) issus des élevages mixtes et spécialisés enquêtés dans le Massif Central, afin de suivre leur excrétion parasitaire. Les résultats des coproscopies ont montré que les crottins des poulains conduits avec des bovins au pâturage étaient deux fois moins chargés en œufs de strongles comparativement à ceux de poulains élevés en systèmes équins spécialisés. La conduite des chevaux en pâturage mixte avec des bovins offre ainsi l’opportunité de réduire les traitements chimiques contre les strongles digestifs et leurs effets sur l’environnement.

Dans tous les élevages enquêtés, les traitements anthelminthiques étaient basés sur un système calendaire systématique et seul un tiers des éleveurs mixtes enquêtés dans les deux régions étaient conscients que la mixité pouvait diminuer la charge parasitaire de la parcelle.

Une cohabitation sans encombre dans nos conditions de pâturage

Dans nos conditions expérimentales (disponibilité en herbe et en espace suffisante, génisses écornées), les interactions ont été très rarement négatives et des affinités ont été parfois visibles entres les deux espèces.

Dans le projet EquiBov, les auteurs ont montré que la présence des génisses semblait être une forme d’enrichissement pour les poulains, ce qui augmenterait leur curiosité.

Pâturage mixte équins-bovins

© Soares Bolzan A.M. (IFCE-INRAE)

Une conduite de pâturage qui doit néanmoins être raisonnée pour tirer parti de la mixité

NB : Ces résultats sont issus de l’expérimentation menée sur le plateau technique IFCE de Chamberet en Corrèze (projet EquiBov – cf. schéma ci-dessus).

Ce dispositif expérimental comparait, à chargement égal (1,4 UGB/ha), un lot « mixte simultané » (2 poulains et 3 génisses) à un lot « équin » (4 poulains), avec trois répétitions de cette comparaison au sein du plateau technique. Chacune des deux modalités de pâturage était conduite en pâturage en rotation longue entre deux sous-parcelles (changement tous les 15 à 20 jours selon la saison).

Il a été observé que les chevaux, seuls ou avec les bovins, sélectionnaient les zones rases (≤ 4 cm) et intermédiaires (5-8 cm) de bonne qualité et évitaient les zones épiées et sèches, contaminées par les crottins. Les bovins, davantage contraints par la hauteur d’herbe, sélectionnaient les zones végétatives intermédiaires et hautes (≥ 9 cm). Toutefois, les bovins pâturaient les zones rases (≤ 4 cm) proportionnellement à leur disponibilité alors qu’en général ils les évitent. Ceci s’explique par la conduite en rotation longue qui a permis à l’herbe de repousser avant le retour des animaux dans la sous-parcelle. Les bovins ne se sont donc pas reportés sur les zones épiées et sèches et la mixité n’a donc pas permis d’améliorer la valeur alimentaire du couvert ni de diluer le parasitisme équin dans ces conditions.

Ces résultats montrent que le pâturage mixte n’est pas une solution « clé en main » et qu’il est nécessaire de raisonner sa conduite de pâturage pour tirer parti des atouts de la complémentarité des choix alimentaires des deux espèces.

Par Laurie BRIOT (ingénieur de développement IFCE) et Géraldine FLEURANCE (ingénieur de recherche IFCE)

Pour en savoir plus…

Documents téléchargeables via la médiathèque IFCE et le site équipédia

  • Fiche technique

https://equipedia.ifce.fr/elevage-et-entretien/alimentation/conduite-de-paturage/paturage-mixte-equins-bovins

  • Brochure

Pâturer à plusieurs espèces pour des bénéfices multiples ? Focus sur la mixité équin-bovin

  • Vidéo de présentation du projet PaturBovEquin

Pâturage mixte bovins-équins, et si les bénéfices étaient multiples ?

  • Articles issus des Journées Sciences et Innovations Équines :

– Fleurance et al. (2020). La conduite, facteur limitant des attendus du pâturage mixte.

– Forteau et al. (2019). Réduire le parasitisme des équins grâce au pâturage mixte avec desbovins.