24 mai 2022 - Santé / Soins et Bien être

4 bonnes raisons de sortir son cheval en liberté

Dossier
Les sorties au paddock du cheval

Dans la nature, le cheval vit en troupeau et passe une grande partie de son temps (environ 16 heures par jour) à pâturer en groupe avec ses congénères. Il broute ainsi par petites quantités en continu au long de la journée, tout en se déplaçant principalement au pas. Cependant, souvent par manque de surfaces herbagères suffisantes et pour des questions d’organisation du travail, l’hébergement en box individuel reste aujourd’hui le moyen de détention le plus courant sur le terrain.

 

Conditions de vie et contraintes

Confinement, rationnement de l’alimentation, isolement social… ces conditions de vie contraignantes imposées au cheval, très éloignées de son mode de vie à l’état naturel, peuvent entraîner l’apparition de troubles digestifs (coliques, ulcères gastriques…) et du comportement (stéréotypies, anxiété, apathie, agressivité…) liés à l’ennui, au stress et à la frustration, signes d’un état de mal-être.

Il est toutefois possible d’améliorer le quotidien de ces chevaux grâce à la mise en place de pratiques simples comme les sorties quotidiennes en liberté. Que ce soit au pré ou dans des paddocks enrichis, pour peu que le cheval ait accès à de la nourriture (herbe pâturée ou foin) et de l’eau à volonté, voire idéalement des congénères à proximité, ces sorties permettent en effet de jouer sur les quatre grands principes du bien-être : alimentation et hébergement adaptés, bonne santé, expression de comportements naturels.

L’objectif ? Mieux respecter leurs besoins naturels et ainsi favoriser des états émotionnels positifs tout en limitant l’apparition de signes de mal-être.

 

1) Favoriser le mouvement

Les sorties du cheval au paddock
© N. Genoux

Le cheval est un grand animal mobile, qui se déplace beaucoup. Dans la nature, il parcourt en moyenne plusieurs dizaines de kilomètres par jour, essentiellement à l’allure du pas, tout en s’alimentant. Rien à voir, donc, avec les déplacements effectués lors d’une séance de travail (montée, attelée, à la longe ou à pied) où la distance parcourue est bien inférieure (moins d’une dizaine de kilomètres) et d’intensité beaucoup plus élevée (plutôt du trot et/ou du galop, sur une durée beaucoup plus courte, d’environ une heure). Des sorties quotidiennes en liberté sont donc indispensables en complément. Elles offrent au cheval des moments de détente où ce dernier peut se déplacer sans contraintes.

Les déplacements seront d’autant plus encouragés sur des surfaces en herbe, où le cheval peut brouter. Sur des surfaces surpâturées ou en sable, laisser du foin à disposition et veiller à placer les ressources (eau et foin) à différents endroits du paddock. Ainsi, cette stratégie peut inciter les chevaux à se déplacer.

Outre les effets positifs sur la digestion ainsi que le fonctionnement (et donc la santé) des pieds, cet exercice est aussi bénéfique pour l’appareil musculo-squelettique de l’animal. Cela limitera enfin les problèmes circulatoires (engorgement) liés à l’inactivité et au maintien d’une position statique prolongée.

L’exercice au pas (monté, attelé, à pied ou au marcheur) est également bénéfique. Non traumatisant, il permet de diversifier les activités et d’aérer le cheval sans le fatiguer physiquement. C’est un bon complément des séances de travail et sorties en liberté.

2) Multiplier les contacts sociaux et l’expression de comportements spécifiques.

Le cheval est un animal grégaire, fait pour vivre en groupe et interagir avec ses congénères. Lorsque les infrastructures sont bien agencées, des paddocks mitoyens ou contigus à un pré où vivent d’autres équidés offrent par exemple au cheval la possibilité d’interagir avec d’autres individus de son espèce. Cela suppose néanmoins de prendre quelques précautions, notamment de sécuriser l’environnement avec des clôtures de qualité et entretenues, en particulier en présence d’étalons et de jeunes chevaux.

Les sorties au paddock avec un (des) compagnon(s) d’écurie voire, dans le cas de groupes stables avec des chevaux qui se connaissent et s’entendent bien, au pré en groupe quotidiennement sont idéales.

Outre les contacts sociaux, ces sorties favorisent l’expression de comportements spécifiques, comme se rouler, jouer, se gratter ou encore se coucher. Lorsque les infrastructures le permettent, de telles conditions de vie sont un bon compromis, qui se rapproche plus des conditions de vie naturelles des équidés.

Les sorties au paddock du cheval
© N. Genoux
Les sorties au paddock du cheval
© N. Genoux

3) Sécuriser le quotidien de tous

Sécuriser le quotidien de tous
© B. Lemaire

 

Le cheval est un être sensible

Ainsi, par crainte que leur cheval se blesse, de nombreux propriétaires/détenteurs préfèrent ne pas les lâcher en liberté. Le danger ne réside pas tant dans la mise en liberté en elle-même, mais plutôt dans la rareté des sorties.

Un trop plein d’énergie, lié au confinement en box et au manque d’exercice physique, se fait vite ressentir aussi bien au travail que dans les manipulations ou lors des rares moments de liberté au paddock. C’est ce qu’on appelle l’effet rebond, et ce dernier sera d’autant plus important que les sorties seront rares.

C’est à ce moment que le risque de blessure augmente pour le cheval et le risque d’accident pour le cavalier. Évidemment, cela ne signifie pas qu’en sortant tous les jours en liberté, les chevaux ne pourront pas se blesser au paddock ou qu’il ne se passera jamais rien pendant les séances de travail. Le risque « zéro » n’existe pas !

De manière générale, plus le cheval sortira régulièrement en liberté, plus calme il sera. Tout est une question d’habitude et de vigilance. Il n’y pas de formule toute faite. À chacun d’observer son cheval pour mieux le connaître et savoir quelles précautions prendre (pose de protections aux membres, besoin de la présence d’un compagnon d’écurie à proximité, sensibilité aux piqûres d’insectes…) afin de prévenir les risques.

4) Allonger le temps de prise alimentaire et limiter l’ennui

Les sorties du cheval au paddock
© N. Genoux

 

Le cheval est un herbivore, qui passe la majeure partie de son temps à brouter.

Sachant qu’un kilogramme de foin est ingéré en 40 minutes, il est facile de comprendre qu’un cheval de 500 kg hébergé en box individuel, pour peu qu’il reçoive une ration correcte d’au minimum 9 kg de foin par jour, passera au mieux 6 heures à s’alimenter dans la journée.

En sortant quotidiennement au paddock en herbe, voire au pré, le cheval aura la possibilité de s’occuper en broutant, allongeant ainsi le temps passé à s’alimenter. Attention cependant ! Suivant la qualité de l’herbe offerte (foin au paddock versus herbe au pré, elle-même dépendante du niveau d’entretien des surfaces, de la saison…), les besoins alimentaires du cheval, le temps qu’il passera au paddock et son activité, l’approche ne sera pas la même. Pour les poneys rustiques, sujets à l’embonpoint, un paddock dénudé sera suffisant.

Pour les chevaux de sport au travail, la possibilité de brouter de l’herbe verte quotidiennement durant la belle saison sera bénéfique. Lorsque l’herbe offerte est abondante et riche, au printemps notamment, il faudra toutefois effectuer une transition alimentaire en réduisant le temps de sortie à 1-2 heures au début, puis en augmentant la durée progressivement pour éviter les problèmes digestifs.

Un suivi régulier de l’état corporel du cheval (une fois par mois) est fortement recommandé pour réajuster si nécessaire la ration afin d’éviter toute prise de poids. Dans le cas des paddocks surpâturés ou en sable, du foin pourra être laissé à disposition pour limiter l’ennui.

 

Pour conclure…

Loin d’être un luxe, les sorties quotidiennes en liberté avec accès à des ressources alimentaires à volonté sont un réel besoin. Non pas accessoires, elles sont au contraire indispensables au bien-être de nos équidés. Et pour ce faire, elles doivent être systématisées et passer d’une fréquence encore trop souvent occasionnelle (voire inexistante) à une pratique quotidienne.

Pour que ces dernières soient bénéfiques, la littérature scientifique recommande un minimum de 2h de liberté par jour et par cheval. Ceci est valable pour tous les types d’équidés, du poney de loisir au cheval de sport de haut niveau. Il en va du bien-être et de la sécurité de tous :

  • Pour le cheval : amélioration de la qualité de vie pour une meilleure santé et plus de bien-être (augmentation du temps quotidien passé couché, diminution des indicateurs comportementaux de mal-être, diminution du risque de coliques, moins de risques de blessures, récupération plus courte et rapide après un effort physique…).
  • Pour l’homme :
    • Pratique de l’équitation et manipulations à pied plus sécuritaires (car chevaux plus calmes, mieux dans leur tête).
    • Économies sur les frais vétérinaires (car moins de risques de blessures).
  • Pour le couple cheval-cavalier : une meilleure relation homme-animal, avec des chevaux jugés plus motivés par leurs cavaliers, et une optimisation de la performance (apprentissages plus faciles et plus rapides).

 

Évidemment, la mise en place de telles pratiques dépend des caractéristiques des infrastructures. En fonction du climat de la région, des surfaces disponibles, du nombre de chevaux en pension, des prestations proposées, des attentes de la clientèle… les possibilités ne sont pas les mêmes partout et le budget diffère. À vous de prendre en compte ces paramètres et de voir, au cas par cas, ce qu’il est possible de mettre en place dans vos structures.

Par Nelly GENOUX (ingénieure agronome – IFCE)

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