Malgré les bienfaits reconnus du pâturage en groupe, celui-ci entraîne inéluctablement l’infestation des équidés par des parasites digestifs. Les petits strongles (ou cyathostomes) et les anoplocéphales (ténias) sont les parasites les plus fréquemment observés et les plus pathogènes (en particulier chez les jeunes animaux).
Le contrôle de ces infestations parasitaires repose essentiellement sur l’utilisation de vermifuges. Cinq molécules sont disponibles chez les chevaux : le fenbendazole, le pyrantel, l’ivermectine et la moxidectine (famille des lactones macrocycliques) et enfin le praziquantel (actif uniquement contre les anoplocéphales). Une utilisation trop fréquente de ces antiparasitaires favorise la sélection de populations de parasites résistants. Les résistances des petits strongles au fenbendazole et au pyrantel sont ainsi répandues dans les structures équines. Les lactones macrocycliques ont, par ailleurs, un impact négatif sur les insectes et les organismes aquatiques. L’ivermectine retrouvée dans les crottins après vermifugation met par exemple en danger la survie des bousiers.
Voici 6 recommandations pour raisonner la vermifugation de ses équidés.
❶ Réfléchir à un protocole de vermifugation raisonnée adapté à sa structure
Les conduites de pâturage, le type d’équidés (notamment l’âge), les pratiques agronomiques, les conditions météorologiques… étant très variés d’une structure à l’autre, il n’est pas possible de suivre un protocole type et de le répéter chaque année. Ce protocole devra être adapté :
- À la pression d’infestation de la structure, influencée par ces mêmes paramètres.
- À la sensibilité des équidés aux parasites.
- À d’éventuels antécédents de problèmes parasitaires.
La gestion du parasitisme est donc complexe. Il est primordial de demander conseil à votre vétérinaire. Ce protocole devra être réfléchi dans un premier temps à l’échelle de l’ensemble de la structure, puis affiné à l’échelle du groupe et de l’individu.
❷ Vermifuger moins souvent et au bon moment
Garder un cheval ayant accès à l’herbe exempt de parasites digestifs est illusoire. Une vermifugation planifiée d’avance et trop fréquente (tous les 2-3 mois par exemple) n’est ainsi pas adaptée et augmente le risque d’apparition de populations de parasites résistants. Il serait intéressant de cibler les vermifuges aux périodes à risque, lorsque les parcelles sont infestées par un nombre de parasites suffisant pour engendrer des conséquences cliniques.
L’infestation des prairies par les petits strongles augmente au cours de la saison, de façon plus ou moins rapide, en fonction notamment des conditions météorologiques (température, précipitations) et des conduites de pâturage (nombre de parcelles pâturées, vitesse de rotation…). Dans la pratique, il est donc difficile d’identifier une période à risque. Un projet de recherche & développement (R&D) sur ce sujet – le projet Parasit’SimEq – est actuellement en cours. L’objectif est de proposer aux détenteurs un outil d’aide à la décision, prenant en compte les paramètres majeurs influant sur la vitesse d’infestation des parcelles, afin d’identifier une période à risque pour déclencher un traitement chez un groupe d’équidés.
Pour connaître le risque parasitaire au niveau d’un groupe d’équidés et identifier les groupes potentiellement les plus infestés et « souffrant » le plus du parasitisme, des comptages d’œufs de parasites excrétés dans les crottins (coproscopie) peuvent être réalisés par des laboratoires vétérinaires.
- À la fin du printemps / début d’été, une coproscopie de groupe (voire idéalement la mise en place de coproscopies individuelles) est recommandée pour connaître le niveau d’infestation moyen des animaux et déclencher si besoin une vermifugation de groupe ciblant les petits strongles adultes (cf. point 4).
- En automne, une deuxième coproscopie est recommandée pour évaluer le niveau d’infestation des animaux par des petits strongles et déterminer la présence de ténia, afin de déclencher si besoin une vermifugation de groupe dite « à large spectre » (ivermectine ou moxidectine + praziquantel) ciblant notamment ces deux parasites.
Des périodes sont à éviter pour l’utilisation de vermifuges :
• La saison hivernale et lors de sécheresse, périodes où les parasites sont moins nombreux/accessibles dans l’environnement. La vermifugation favoriserait en effet le développement de résistances.
• Le printemps lors d’utilisation d’ivermectine, période de reproduction des bousiers.
❸ Changer ses conduites de pâturage pour limiter le niveau d’infestation des parcelles et l’apparition de résistances
Voici quelques exemples de conduites bénéfiques vis-à-vis du parasitisme :
- Faire du pâturage tournant en début de saison.
- Éviter de changer de pâture juste après vermifugation.
- Pratiquer un pâturage mixte avec des bovins.
- Ramasser les crottins dans les paddocks de détente (voire dans les parcelles lors de problèmes parasitaires importants).
- Favoriser les parcelles les plus saines (pas d’animaux depuis plusieurs mois d’hiver ou d’été) pour les jeunes animaux, plus sensibles.
❹ Identifier et vermifuger, dans un groupe d’équidés, uniquement les animaux dits « forts excréteurs » au cours de la saison de pâturage
Au sein d’un groupe d’équidés hébergés sur une pâture infestée, certains individus excrètent beaucoup d’œufs de petits strongles dans leurs crottins et participent fortement à la contamination des parcelles : ces individus sont dits « forts excréteurs ». Au contraire, certains équidés sont naturellement résilients vis-à-vis de ces parasites et/ou ont acquis une immunité au cours de leur vie : ils excrètent peu d’œufs et participent donc faiblement au recyclage des parasites. Ils sont appelés « faibles excréteurs ».
Lors d’une période à risque parasitaire, il s’agit de déterminer, dans un groupe d’équidés, le statut excréteur de chaque équidé afin de le vermifuger ou non. Pour savoir si un cheval est fort ou faible excréteur, le vétérinaire/laboratoire réalise une coproscopie qui consiste à compter le nombre d’œufs de strongles présents dans 1 gramme de crottin. Cette coproscopie doit être réalisée au moins deux mois après une vermifugation et en dehors de la période hivernale (faible excrétion d’œufs).
Ce statut excréteur étant relativement stable d’une saison à l’autre, la fréquence des coproscopies peut être par exemple de 2 à 3 fois par an les deux premières années, puis plus espacée les années suivantes. La plupart des jeunes chevaux âgés de moins de 3 ans appartiennent à la catégorie « forts excréteurs ». Il est moins utile de réaliser des coproscopies chez ces animaux, plus sensibles aux strongles.
❺ Vermifuger avec une dose adaptée
Le sous-dosage des médicaments favoriserait le développement des résistances. Pour l’éviter :
- Évaluer le poids des équidés à partir du périmètre thoracique (mesuré grâce à un ruban métrique) et de la hauteur au garrot (mesurée avec une toise) avant de vermifuger.
- Limiter les pertes en administrant le vermifuge à un équidé tenu au licol, dans le calme, et après avoir rincé sa bouche si besoin pour éviter qu’il ne recrache le produit.
- Ne pas acheter les vermifuges sur internet (interdit et risque de contrefaçons).
- Ne pas administrer de médicaments injectables à destination des bovins ou d’autres espèces animales (dose insuffisante au niveau intestinal, risque d’effets secondaires).
❻ Tester l’efficacité des vermifuges dans sa structure
Pour savoir s’il est utile de continuer à les utiliser, il est nécessaire de mesurer régulièrement l’efficacité des vermifuges utilisés, tout particulièrement ceux pour lesquels les résistances des petits strongles sont répandues (fenbendazole et pyrantel). Pour mesurer l’efficacité des vermifuges, on compare l’excrétion des équidés d’un groupe avant traitement et 14 jours après. Le sujet vous intéresse ? Rejoignez NGIS, un projet de recherche participative qui vise à évaluer l’efficacité des vermifuges chez les équidés.
Cet article a été rédigé dans le cadre d’une collaboration entre l’IFCE et l’ANSES, au sein de l’Unité Mixte Technologique (UMT) SAnté et Bien-être des équidés – Organisation et Traçabilité de la filière équine (SABOT).
Par Marie DELERUE (IFCE) et Aurélie MERLIN (ANSES)