19 février 2025 - Santé

Le transfert d’embryon

Cheval et transfert d'embryon

Le transfert d’embryon (TE) est une technique de reproduction qui consiste à transférer un embryon d’une jument dite « donneuse », mère génétique, dans l’utérus d’une jument dite « receveuse » ou « porteuse » qui assurera la gestation, la mise-bas, la lactation et l’élevage du poulain jusqu’au sevrage. Si on en entend vaguement parler, on ne sait pas toujours ce qui se cache derrière cette technique. Voici l’essentiel à savoir.

© B. Lemaire / IFCE

Une technique de reproduction en différentes étapes…

• Réalisation d’échographies pour :
      – Savoir à quel moment précis la jument donneuse ovule et donc quand inséminer
      – Déterminer la date de collecte au plus juste après l’ovulation

• Dans l’idéal, une jument âgée de moins de 10 ans :
      – Ayant une bonne fertilité et de bonnes qualités maternelles
      – Ou n’ayant jamais été saillie (maiden)

• Suivi gynécologique très précis de la (des) receveuse(s) avec induction d’ovulation, traitement de synchronisation… pour :
      – Les faire ovuler dans la même période que la donneuse
      – Dans l’idéal 2 jours après l’ovulation de la donneuse (ou un jour après ou le même jour)

• À J+7 ou J+8 après l’ovulation de la donneuse

• Lavage de l’utérus de la donneuse avec un liquide de collecte

• Massage de l’utérus pour répartir le liquide jusque dans les cornes utérines

• Récupération puis filtration du liquide

• Recherche de l’éventuel embryon sous loupe binoculaire

• Si embryon, lavage de celui-ci avant transfert

• Réfrigération :
      – En vue du transport de l’embryon (si receveuse(s) gérée(s) sur un autre site)
      – Transfert maximum 24h après la récolte

• Congélation complexe à réaliser sur l’embryon équin, mais la technique se développe sur le terrain suite à des résultats de recherche très prometteurs

• Étape la plus délicate

• Transfert de l’embryon récolté dans l’utérus de la jument receveuse

… de plus en plus utilisée sur le terrain…

Réalisés au Japon, les premiers transferts d’embryons équins datent de 1972. En France, la technique a commencé à être pratiquée à partir de 1986. Inférieur à 1000 saillies/an de 2000 à 2015, le nombre de saillies en transfert d’embryon a ensuite augmenté de manière constante jusqu’en 2023 (passant de 1054 en 2016 à 2391 en 2023). Les éleveurs ont donc de plus en plus recours à cette technique. 

… essentiellement chez les chevaux de selle…

La technique du transfert embryonnaire est très majoritairement (voire quasi exclusivement) utilisée chez les chevaux de selle chaque année, avec seulement quelques saillies réalisées sur des poneys. Les saillies en TE chez les chevaux de course, les chevaux de trait et les ânes sont quant à elles anecdotiques, avec un nombre faible à nul, très variable d’une année sur l’autre. En 2023, sur un total de 2391 saillies en transfert d’embryon, 2370 ont été réalisées sur des races de selle, 20 sur des ponettes et 1 seule sur une jument de trait par exemple.

… et qui présente divers avantages/intérêts

Le TE offre la possibilité d’obtenir plusieurs poulains (de pères potentiellement différents) d’une même jument donneuse sur une même année. Pour les juments actives en compétition, il peut permettre de concilier la poursuite d’une carrière sportive en parallèle d’une carrière de reproduction. Cette technique permet également de mettre à la reproduction de jeunes juments prometteuses, mais dont la croissance n’est pas encore assez avancée pour mener à bien la gestation. Le but ? Réduire l’intervalle de génération pour favoriser le progrès génétique. Enfin, la technique permet aussi de mettre à la reproduction des juments âgées (à haute valeur génétique par exemple) sans leur imposer une gestation et la lactation du poulain, ou des juments posant des problèmes au cours de la gestation.

Une technique de reproduction réglementée…

Pour une race donnée, toutes les techniques de monte ne sont pas toujours autorisées. Il faut se référer au règlement de livre généalogique défini par le programme de sélection de la race en question. De manière générale, le TE est autorisé dans de nombreuses races, telles que le Selle Français, l’Anglo-Arabe, ainsi que certaines races de poneys, de chevaux de trait et d’ânes. Chez les chevaux de course, l’utilisation de la technique est beaucoup plus restreinte : les autorisations se font dans un cadre très particulier chez le Trotteur Français et la technique est interdite par les programmes de sélection du Pur-Sang et de l’AQPS.

Quoiqu’il en soit, il est nécessaire d’être titulaire de la licence de chef de centre d’insémination artificielle équine pour pourvoir pratiquer la technique du TE. Cette technique se pratique par une équipe de collecte agréée, sous la responsabilité d’un chef de centre et d’un vétérinaire (si le vétérinaire est chef de centre, il assure la responsabilité seul).

… qui présente de nombreuses contraintes techniques…

Les principales limites de cette technique sont d’ordre financier et technique. Le suivi gynécologique de la donneuse et de la (des) receveuse(s) est lourd et doit être très précis (synchronisation…). Cela représente un coût très important, en plus des frais d’entretien de la (des) receveuse(s) qui viennent s’ajouter. Le TE requiert également du personnel qualifié (au moins un vétérinaire et une personne titulaire de la licence de chef de centre d’insémination artificielle équine) et expérimenté. La technique nécessite enfin des équipements adéquats (laboratoire de transfert, barre d’échographie adaptée…) et du matériel de laboratoire sophistiqué (liquide de collecte, fournitures à usage unique et/ou stérilisées…) onéreux.

… et reste très coûteuse

La technique est onéreuse. Il faut prévoir un budget minimum de 3 000 €. Ce budget s’entend hors frais de génétique, de mise en place de la semence et de suivi gynécologique de la jument donneuse pendant les chaleurs. Ce budget comprend les frais de collecte et de transfert de l’embryon, puis de location de la jument receveuse pendant la durée de la gestation, généralement jusqu’au sevrage du poulain.

Pour conclure… En raison de sa technicité et de son coût élevé, le transfert embryonnaire s’adresse essentiellement à des reproducteurs de haute valeur génétique. Le développement de la technique du transfert d’embryon passe par une diminution des contraintes techniques et une augmentation de la productivité. Deux possibilités sont à l’étude pour remplir ces objectifs :

  • La congélation d’embryon produit in vivo, qui permet de dissocier la récolte de l’embryon de l’acte de transfert (en temps et en lieu différents). Cette technique faciliterait la gestion des receveuses (synchronisation…) et favoriserait les échanges commerciaux internationaux ainsi que la préservation de races menacées (cryobanque d’embryons).
  • La technique de superovulation, afin de récolter plusieurs embryons viables par récolte, augmentant la productivité de la collecte.

Ces deux possibilités ont fait et font encore l’objet de recherches scientifiques pour ce qui est de la congélation des embryons produits in vivo.

Par Nelly GENOUX (ingénieure agronome – IFCE) et Maud CAILLAUD (formatrice et coordinatrice de la formation « Inséminateur(trice) équin(e) » IFCE)

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