19 mars 2019 - Pathologies / Santé

Le Syndrome naviculaire chez le cheval

Dossier
Le syndrome naviculaire du cheval

Tout le monde ou presque a entendu parler du syndrome naviculaire, souvent redouté il est aussi mal connu, faisons un point sur cette pathologie plus fréquente que ce que l’on croit.

Le syndrome podotrochléaire est depuis longtemps l’une des causes les plus fréquentes de boiterie des antérieurs (et plus rarement des postérieurs) chez le cheval. La boiterie survient chez des chevaux de tout âge, de toute discipline et de tout niveau. Elle peut se manifester par une douleur aiguë ou chronique au niveau de la région podotrochléaire. On le retrouve davantage sur des chevaux aux pieds plats là où l’articulation du pied est plus en extension entrainant plus de pression sur la partie arrière du pied.syndrome-naviculaire-du-cheval

Anatomie simplifiée de la région podotrochléaire

Définition

Il est souvent ignoré que le syndrome naviculaire ne se limite pas seulement aux lésions de l’os naviculaire. Ce syndrome comprend également les lésions de la bourse podotrochléaire, du tendon fléchisseur profond du doigt, des tissus mous et des ligaments associés.

Grâce au développement récent de nouvelles technologies (IRM), un diagnostic plus précis peut dorénavant être posé et avec celui-ci, les traitements les plus adaptés peuvent être mis en place.

Diagnostic

Le diagnostic du syndrome podotrochléaire se base sur plusieurs éléments :

Historique de la boiterie/Anamnèse

Les propriétaires font souvent référence à une boiterie aiguë ou chronique, intermittente, souvent en début de travail, avec parfois des performances irrégulières. Dans d’autres cas, seule une perte de souplesse ou une démarche raide est observée.

Une mise au repos peut dans la plupart des cas améliorer temporairement la boiterie.

Examen statique

La manifestation typique d’un cheval atteint du syndrome podotrochléaire consiste à maintenir constamment la jambe antérieure au repos afin d’éviter l’extension de l’articulation. Dans cette position, l’articulation du pied est alors mise en flexion ce qui entraîne moins de pression au niveau de la région podotrochléaire. Un gonflement / déformation ou douleur à la palpation au niveau de l’aspect distal de la région du paturon, une distension de l’articulation du pied, une douleur à la palpation du tendon fléchisseur profond du doigt et/ou de la pulsation sont des symptômes cliniques courants.

Examen dynamique

Les chevaux atteints du syndrome podotrochléaire présentent principalement une réduction de la phase caudale de la foulée (*) du membre douloureux sur la main correspondante (par exemple, antérieur droit plus visible sur le cercle à main droite). La plupart des chevaux se sentent plus à l’aise au trot en ligne droite que sur le cercle et un sol mou est moins douloureux qu’un sol dur.

Étant donné que la région de la pince peut s’enfoncer plus profondément dans le sol mou, l’extension de l’articulation du pied est réduite et la pression exercée sur l’appareil podotrochléaire est donc moindre.

Une amélioration marquée de la boiterie est observée grâce à l’anesthésie loco-régionale des nerfs digitaux propres palmaires/plantaires. De manière générale, la boiterie est bilatérale, l’anesthésie d’un pied entrainant une boiterie sur l’autre antérieur mais si un membre est plus atteint/douloureux que l’autre, celui-ci est le membre visible cliniquement.

Imagerie médicale

Pour étudier plus en profondeur la région podotrochléaire, nous pouvons utiliser les techniques conventionnelles telles que la radiographique et / ou l’échographie, mais également des techniques plus modernes et plus spécifiques telles que l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) et / ou CT-scan. Des recherches topographiques telles que la thermographie et la scintigraphie peuvent également contribuer à la localisation de la douleur dans la région podotrochléaire, mais la manifestation clinique de la boiterie est normalement déjà concluante dans le diagnostic du syndrome de podotrochléose.

1-Radiographie

Cette méthode est principalement utilisée par les vétérinaires sur le terrain et montre principalement des changements osseux (forme et densité osseuse de l’os naviculaire), parfois également des changements (épaississement) des tissus mous. Une variation anatomique doit toujours être prise en compte chez les chevaux, chaque individu étant unique.

L’examen radiographique permet de mettre en évidence :

– la latéro-médiale (vue de profil),

– la dorsoproximale-palmarodistale : vue de face

– la palmaroproximale-palmarodistale : vue tangentielle

Sur une projection dorsopalmaire, un os naviculaire normal a une forme trapézoïdale avec souvent quelques invaginations ou fossettes synoviales ouvertes au niveau de son bord articulaire distal (vue de face). Une projection latéro-médiale permet d’évaluer les 2 composants osseux (compact et spongieux) de l’os naviculaire séparemment. L’os compact palmaire normal (“flexor cortex” – face en contact avec le tendon) est assez mince, lisse et montre une nette démarcation avec l’os spongieux adjacent. Une autre projection importante, mais souvent oubliée, est la vue “skyline” ou tangentielle à ce flexor cortex. Elle permet d’évaluer en détail l’architecture et la densité osseuse de l’os spongieux de l’os naviculaire, ainsi que l’intégrité et la régularité du flexor cortex. L’importance de radiographies parfaitement positionnées est d’une importance cruciale pour un diagnostic correct. Par conséquent, lors du positionnement, la conformation du cheval doit toujours être prise en compte.

Incidence radiographique latéré-médiale

 

Incidence radiographique dorsoproximale-palmarodistale oblique de 65 degrés

 

Incidence radiographique palmaroproximale-palmarodistale oblique

Le syndrome podotrochléaire peut être classifié selon les lésions radiographiques observées, néanmoins c’est souvent un mixte de différentes lésions qui est présent :

Type osseux :

  • Augmentation de la densité osseuse ou sclérose de l’os spongieux de l’os naviculaire, réduction de la démarcation entre l’os compact et spongieux
  • Réduction de la densité osseuse, résorption ou érosion de l’os compact et / ou spongieux de l’os naviculaire généralement observé dans un stade avancé de la pathologie et très significatif
Augmentation du nombre et de la taille et changement de forme des fossettes synoviales de l’os naviculaire

Type tissus mous :

* Remodelages en regard de l’insertion des ligaments sésamoïdiens collatéraux proximal et distal

  • Fragmentation au niveau de l’origine du ligament sésamoïdien collatéral distal
  • Minéralisation dystrophique du tendon fléchisseur profond du doigt

Type articulaire :

  • Arthropathie / synovite chronique de l’articulation du pied, entraînant des invaginations synoviales fortement élargies au niveau de l’os naviculaire
  • Présence de remodelage (nouvelle formation osseuse) au niveau de l’aspect articulaire de l’os naviculaire

2-Échographie

L’examen échographique de la région podotrochléaire s’effectue par le creux du paturon grâce à une sonde et si possible, par la fourchette.

Les structures importantes à examiner sont les deux lobes du tendon fléchisseur profond du doigt, le récessus palmaire de l’articulation du pied, la bourse naviculaire et les ligaments sésamoïdiens (proximal et collatéral). Avec l’échographie, seule la partie suprasésamoïdienne de l’appareil podotrochléraire peut être inspectée à cause de la localisation de l’appareil podotrochléaire dans la boite cornée.

Souvent, une échographie est déjà concluante dans le diagnostic et des recherches supplémentaires ne sont plus nécessaires.

Image échographique longitudinale de la région podotrochléaire
Image échographique transverse de la région podotrochléaire

Différentes lésions peuvent être visualisées par échographie :

Tendinopathie du tendon fléchisseur profond du doigt :

  • Epaississement ou asymétrie des lobes
  • Zones des irrégularités/fibrillations du bord dorsal et/ou des zones hypoéchogènes au sein du tendon
  • Rarement des minéralisations / calcifications tendineuses, après lésion tendineuse
Epaississement du lobe latéral du tendon fléchisseur profond

Bursite de la bourse naviculaire :

  • Distension/accumulation de liquide
  • Gonflement et proliférations de la membrane synoviale
Distension sévère de la bourse podotrochléaire (image gauche)

Desmopathie du ligament sésamoïdien collatéral proximal :

  • Epaississement du ligament
  • Hypo-échogénicité
  • Minéralisations / calcifications
  • Adhérences (parfois visibles) suspectées si absence de visualisation du liquide entre tendon fléchisseur profond du doigt et ligament sésamoïdien collatéral proximal et / ou en combinaison avec une lésion du tendon

3-IRM

L’IRM (Imagerie par Résonance magnétique) est de loin le meilleur examen complémentaire pour avoir un diagnostic précis et un pronostic concernant les pathologies de la région podotrochléaire.

Concernant la région podotrochléaire, l’IRM permet entre-autre de détailler l’extension et surtout l’activité de lésions tendineuses ou ligamentaires ainsi que diagnostiquer exactement les lésions de l’os naviculaire, particulièrement les lésions médullaires (type oedème osseux). Cette dernière est une lésion uniquement visible en IRM.

Volumineuse lésion kystique de l’os naviculaire avec érosion du flexor cortex adjacent
Oedème de l’os naviculaire (aspect blanc/gris de l’os spongieux sur certaines séquences de l’IRM)
Fossettes synoviales fortement élargies et en forme de ballonnet
Lésion active (cercle rouge) et lésion non active/cicatricielle (cercle jaune) du lobe latéral du tendon fléchisseur profond du doigt

4- CT-scan (computed tomography ou tomographie densitométrique)

Un CT permet d’avoir des images dans les 3 dimensions de la jambe du cheval. Un tel examen détaille avec une très haute résolution les lésions osseuses (avec l’exception des lésions médullaires) et peut également diagnostiquer des lésions de tissus mous, particulièrement si un produit de contraste est utilisé permettant d’évaluer la vascularisation et donc l’activité des lésions.

L’avantage du CT-scan est la ‘rapidité’ de la technique et la plus grande région qui peut être investiguée. L’inconvénient du scanner est la nécessité d’une anesthésie générale.

Image CT-scan 3D d’une sévère résorption de l’os naviculaire avec sévère irrégularité du flexure cortex palmaire sur la jambe droite et d’un os naviculaire à la structure normale sur la jambe gauche

5- Scintigraphie

La scintigraphie est un examen basé sur une injection d’un produit radioactif qui est capté de façon plus ou moins importante par le squelette entier selon l’activité osseuse à un moment précis (au moment du passage de l’examen). La scintigraphie n’est pas l’examen de choix pour l’exploration de la région podotrochléaire. Toutefois, l’os naviculaire peut parfois montrer une très haute activité, ce qui permet de localiser le problème à ce niveau. Afin de détailler les lésions dans cette région, le passage par les examens conventionnels (radiographie et échographie) ou complémentaires (IRM ou CT-scan) est nécessaire pour approfondir le diagnostic.

Traitements

Traitement conservateur :

  • Ferrure orthopédique et parage adapté

Pour limiter les douleurs podotrochléaires, il faut éviter une extension extrême de l’articulation du pied et faciliter le basculement pendant la phase de propulsion du mouvement. Cet effet peut être obtenu en raccourcissant correctement la pince et en soulevant les talons. Une ferrure type «reverse shoe» (fer à l’envers) assure cet effet. Dans les cas moins graves, cet effet peut également être obtenu par un fer “onion shoe” (branches larges et rolling suffisant en pince) lorsque le rolling est plus important que le soulagement du talon. Le choix du fer dépend de la gravité de la pathologie, de la conformation et de l’évolution clinique.

Ferrure de type “Reverse shoe”
  • Sol correct

Une ferrure orthopédique ne peut être utilisée qu’avec une surface parfaite. Un sol trop dur ou trop mou peut nuire à l’effet désiré de la ferrure. Un sol dense assure la pénétration de la région de la pince et le soutien de la région des talons.

  • Activité

Évitez les exercices qui exercent une pression excessive sur l’appareil podotrochléaire et essayez d’éviter les cercles trop courts qui peuvent aggraver les lésions asymétriques. Un programme de réadaptation adapté, en combinaison avec une ferrure orthopédique et un sol correct, est beaucoup plus efficace qu’un repos trop long ; Un bon échauffement est toujours nécessaire chez les chevaux atteints du syndrome podotrochléaire, car la boiterie est principalement présentée à froid dans les cas chroniques.

Traitement médical

  • Traitement local

Le traitement local de la bourse naviculaire avec une IRAP autologue est très efficace pour calmer l’inflammation de la bourse naviculaire de la manière la plus naturelle possible.

L’IRAP est un anti-inflammatoire produit par le cheval lui-même. 60 ml du sang du cheval est prélevé et incubé pendant 24h. Il est ensuite centrifugé pour enfin être conditionné en petites seringues. L’IRAP peut être congelé et conservé pendant 1 an.

L’IRAP a pour principe de bloquer l’interleukine-1, responsable de l’inflammation.

Etapes de confectionnement de l’IRAP

L’infiltration intra-boursale avec une préparation de corticoïdes à faible dose et à courte durée d’action peut être effectuée, mais elle est invasive et augmente le risque de minéralisation après l’infiltration.

Auparavant, un traitement local de la bourse naviculaire était toujours effectué sous contrôle radiographique, mais aujourd’hui, il est beaucoup plus optimal de l’exécuter sous controle échographique.

  •  Traitement systémique 

Le traitement par biphosphonate (Tildren ®) par voie systémique ou par perfusion intraveineuse régionale s’est avéré très efficace en association avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens à faible dose, en fonction de la pathologie diagnostiquée. Le traitement par biphosphonate stabilise le métabolisme osseux de l’os naviculaire et réduit la douleur osseuse active.

Perfusion intraveineuse régionale de bisphosphonate
  • Traitement régénératif 

Une infiltration de cellules souches et / ou PRP intra-lésionnelle et / ou intra-artérielle fournit un processus de guérison optimal d’une tendinopathie / desmopathie.

Les cellules souches ont le bénéfice de favoriser la cicatrisation du tendon par une structure quasi similaire à la structure tendineuse d’origine et d’éviter ainsi une cicatrisation de type fibrotique.

Traitement chirurgical

  • Neurectomie

S’il n’y a pas de résultat suffisant après toutes les méthodes de traitement citées précédemment, la neurectomie peut parfois être l’option finale. Un examen IRM préalable doit toujours vérifier qu’aucune lésion active du tendon fléchisseur profond du doigt est présente pour éviter sa rupture complète. La formation de neuromes après une neurectomie est une complication fréquente pouvant entrainer une boiterie récurrente.

  • Desmotomie

La desmotomie des ligaments sésamoïdiens collatéraux distaux est contre-indiquée en cas de syndrome podotrochléaire car cela peut provoquer une instabilité de l’articulation du pied.

  • Boursoscopie

La boursoscopie arthroscopique, qui consiste en l’exploration et le rinçage de la bourse naviculaire grâce à une caméra, a l’avantage d’avoir une grande valeur diagnostique et thérapeutique en cas de bursite chronique et / ou extrême de la bourse naviculaire.

Conclusion

Le syndrome podotrochléaire est un trouble extrêmement complexe en tant que cause de boiterie chez les chevaux. Un examen statique et dynamique complet associé à des techniques d’imageries correctes et parfois combinées est crucial pour un diagnostic optimal. Aujourd’hui, nous avons également beaucoup évolué en médecine équine dans le domaine des thérapies régénératives, ce qui, associé à une ferrure et une prise en charge globale rendent le pronostic bien meilleur pour l’avenir des chevaux atteints du syndrome podotrochléaire.

(*) la phase caudale est une des phases de la foulée (phase d’extension de la foulée quand le membre est posé en arrière >< à la phase crâniale de la foulée). Par ex, sur le dessin ci-dessous, l’antérieur gauche sur le quatrième temps montre « la phase caudale de la foulée »

 

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