2 mars 2020 - Soins et Bien être

Bien-être de mon cheval

Dossier
Le bien-être animal

Bien-être de mon cheval : et si je passais à côté de quelque chose ?

Votre cheval s’agite et tourne souvent en rond dans son box de manière inexpliquée, fait régulièrement du bruit en tapant sa lèvre inférieure contre sa lèvre supérieure ou bien se balance d’un pied sur l’autre à la porte de son box ? Il devient agressif sans que vous ne compreniez pourquoi ou, au contraire, complètement indifférent à son environnement ? « C’est un vrai clown », « Il fait ça à longueur de temps, ça m’horripile », « Il n’est pas tout seul dans sa tête celui-là ! »…

Autant de phrases qui reviennent souvent dans les écuries face à ces différents cas. Et si, au lieu de s’en amuser ou de s’en énerver, voire pire encore, de les ignorer ou de ne même pas s’en apercevoir, le bon réflexe ne serait pas plutôt de se questionner sur le bien-être de votre animal ? Si certains signes comportementaux et posturaux ne trompent pas quand on prend le temps d’observer un peu son cheval, d’autres, plus discrets et plus insidieux, peuvent facilement passer inaperçus, même aux yeux du détenteur averti. Comment voir que quelque chose ne va pas ?

❶ 1ersigne d’alerte : modification du comportement normal

Le budget temps correspond à la durée qu’un cheval accorde à chacune de ses activités au cours d’une journée (alimentation, repos, exercice…). Dans la nature, les chevaux vivent en groupe et ont un budget temps rythmé par de longues périodes de pâturage continu, par petites quantités, des moments de repos et d’interactions sociales (grooming, jeu, comportements sexuels…) et des déplacements ponctuels en cas de fuite ou lorsque les ressources viennent à manquer. Rationnement de l’alimentation avec des repas ponctuels pauvres en fibres et riches en énergie, isolement social, manque d’exercice, ennui…

Très restreignant, à l’opposé des conditions de vie à l’état naturel, l’hébergement en milieu confiné (box) va énormément modifier ce budget temps. Source de frustrations, ces conditions peuvent à la longue finir par influer négativement sur le bien-être du cheval. S’en suivent alors des modifications du comportement : baisse du temps passé à s’alimenter, baisse voire disparition du temps de repos couché, baisse ou disparition des comportements comme se rouler, se gratter… Ces premiers signaux d’alerte traduisent une potentielle altération du bien-être.

❷ Apparition de comportements anormaux

Au-delà d’une modification du budget temps du cheval, le confinement lié à la vie en box peut aussi mener à l’apparition de troubles du comportement, révélateurs d’un état de mal-être avéré, tels que :

  • L’anxiété/le stress : agitation, augmentation de la locomotion, augmentation des postures d’alerte, hyperréactivité, sudation, augmentation des défécations, augmentation des vocalisations… sont autant de signes comportementaux et posturaux évocateurs d’un état de stress/anxiété. Ces signes ne sont pas anormaux quand ils apparaissent dans des situations particulières, mais le deviennent quand ils sont très fréquents et sans cause définie.

 

  • L’agressivité envers l’Homme : Un cheval ne nait pas agressif envers l’Homme, il le devient suivant son vécu et les conditions dans lesquelles il évolue. Oreilles en arrière, tentatives de morsure ou de coup de pied, fouaillements de queue, couinements… Que ce soit au box, avant, pendant ou après le travail, ce type de comportement doit vous interroger : c’est un signal d’alerte à ne pas négliger.

 

  • Les stéréotypies ou « tics » : Plus communément appelées tics, les stéréotypies sont des séquences de mouvements répétitifs et relativement invariants, sans but ni fonction apparents, observables directement (cheval qui se balance d’un pied sur l’autre…) ou indirectement (marque des dents sur une porte de box…). Si certains sont très connus (tic de l’ours, à l’appui, à l’air…), d’autres, moins facilement identifiés comme tels, sont pourtant bien également des stéréotypies (bruit avec les lèvres, ronge la porte du box ou se râpe les dents dessus, léchages, encensement…). Ainsi, ce qui peut parfois nous amuser ou, à l’inverse, nous agacer, est en réalité un véritable message d’alerte.

 

  • L’apathie : Avez-vous déjà observé un cheval immobile au box, tête face au mur, oreilles tournées vers l’arrière, encolure à l’horizontale dans le prolongement de la ligne du dos, reportant considérablement son poids du corps sur l’avant-main, les yeux ouverts et le regard fixe, complètement indifférent à tout stimulus environnemental ? Loin d’être endormi, auquel cas son encolure serait plus relevée et un postérieur en position de repos, ce cheval est dans un état associé à la dépression : l’apathie. Cette posture caractéristique n’est observée que sur certains chevaux vivant plutôt en box, parfois sur de courtes séquences, en dehors des séances de travail.

Même sans la parole, le cheval sait nous parler grâce à ses attitudes corporelles. Tout changement dans son comportement habituel doit être considéré comme un premier signe d’alerte. Cette liste non exhaustive donne des exemples d’indicateurs comportementaux et posturaux de mal-être facilement identifiables, pour peu qu’on s’intéresse au bien-être de son cheval et qu’on prenne le temps d’observer comment il se comporte. Encore plus que la présence de troubles du comportement, c’est surtout leur fréquence d’apparition et leur intensité qui reflète l’état de mal-être du cheval, en fonction de sa personnalité. Tous les chevaux ne réagissent pas de la même façon et n’ont pas la même sensibilité. Vous avez identifié certains comportements de votre cheval à la lecture de cet article ? Tout n’est pas perdu, c’est le moment de réagir.

Mais alors, que faire ? 

Ignorer ces comportements non désirés ou les punir pour tenter de les faire disparaître ne mène à rien, à part aggraver un peu plus l’état de mal-être du cheval et la relation que vous entretenez avec lui, voire le laisser plonger dans un état dépressif profond. Pour éviter d’en arriver là, il est fondamental d’être attentif au comportement de son cheval, de se questionner au moindre signe anormal et de chercher au plus vite des solutions pour améliorer son bien-être. Cela passe essentiellement par la mise en place de changements dans ses conditions de vie : augmentation de la part de fourrages dans l’alimentation ou utilisation de slowfeeders pour ralentir l’ingestion, sorties quotidiennes au minimum 2h en liberté, possibilités de contact avec d’autres chevaux, enrichissement du milieu de vie… Trop souvent négligés par manque de temps, de main d’œuvre et/ou d’infrastructures adéquates, ces petits gestes simples font pourtant toute la différence. Pensez-y lors du choix de votre pension ou lors d’un projet d’installation (infrastructures nécessaires, prestation de services, options dans les pensions proposées…).

Par Nelly GENOUX et Christine BRIANT (Ifce)

Pour creuser la question :

Livre Bien dans son corps, bien dans sa tête : qu’est-ce que le bien-être du cheval ?

Fiche équipédia Indicateurs de bien-être du cheval au repos

Fiche équipédia Indicateurs de bien-être du cheval au travail

Crédit photo © N. Genoux