Les fractures se produisent régulièrement chez les chevaux, entrainant souvent de terribles conséquences. Parce que la plupart des amateurs de chevaux sont toujours convaincus qu’une jambe cassée est fatale, chez Equitom, nous voulons prouver le contraire dans cet article. En effet, de par notre expérience en tant que clinique vétérinaire équine, une grande partie des fractures peuvent être soignées, y compris chez les chevaux adultes.
La médecine évolue continuellement et la chirurgie équine a connu de grands progrès au cours de ces 10 dernières années. Grâce au développement de nouvelles techniques et à l’innovation de matériaux pour l’ostéosynthèse (plaques et vis, photo 1), nous avons pu considérablement repousser nos limites.
L’os est l’un des tissus les plus dynamiques du corps! Il est doté d’une importante circulation sanguine et, en plus d’avoir une fonction de soutien (squelette), il joue un rôle important dans le métabolisme du calcium et du phosphore. Les nombreuses cellules et vaisseaux sanguins présents dans l’os garantissent un continuel renouvellement du tissu osseux et ce, en fonction des forces qui agissent sur l’os. De plus, il est le seul tissu à retrouver une qualité égale à celle d’origine contrairement aux tendons qui guérissent beaucoup plus difficilement et lentement du fait qu’ils ont très peu de vaisseaux sanguins pour les irriguer.
Lors d’une réparation de fracture, une des conditions clef pour une bonne guérison est la stabilité des différents morceaux osseux ce qui permet une fusion des bords en limitant le déplacement des différents segments.
La tâche principale du chirurgien est donc de rassembler les différents morceaux osseux (réduire la fracture) et de les fixer ensemble (stabiliser) dans cette position. Cette stabilisation se fait généralement avec des vis et des plaques (photo 1), mais dans certaines circonstances, elle peut être réalisée avec du fil (cerclage, photo 2 a, b et c) ou des épingles (photo 3a et b, mandibule).
Avec une bonne réduction et stabilisation de la fracture, les vaisseaux sanguins des deux fragments osseux vont se développer ensemble et permettre l’arrivée de cellules qui initieront la réparation osseuse. Une fois les cellules osseuses mortes éliminées, la production du nouvel os peut commencer. Un pont est créé sur la ligne de fracture (cal osseux), ce qui constituera la base de la réparation osseuse. Plus la réduction et la stabilisation sont bonnes, plus le cal osseux est petit et la récupération rapide et efficace.
Il existe 1001 types de fractures, certaines menaçant le pronostic vital mais d’autres relativement faciles à traiter. Certaines fractures ne sont que partielles et peuvent être vues par radiographie comme une fine ligne noire que nous appelons aussi fissure (photo 4 a, b, c).
Si la fracture est plus grave, l’os en question va se rompre complètement et on parle d’une fracture réelle (photo 5).
Si les fragments de fracture ne s’alignent plus les uns aux autres, on parle alors de fracture déplacée (photo 6).
Chez le cheval, il y a certains endroits avec peu ou pas de muscles autour du squelette, comme par exemple la partie discale de la jambe, où le canon n’est entouré que de tendons, de vaisseaux sanguins, de nerfs et de peau. Par conséquent, les segments osseux cassés, habituellement tranchants, qui sont déplacés et ne sont plus protégés par une masse musculaire endommagent rapidement les nerfs, les vaisseaux sanguins et la peau environnants. Si la peau se déchire, on parle d’une fracture ouverte. Dans ce cas, les bactéries de l’environnement peuvent infecter le foyer de fracture et entraîner une infection osseuse (ostéomyélite). Il est donc très important d’agir rapidement et correctement en cas de fracture.
Que faire en cas de fracture osseuse ?
Dès qu’un cheval se casse la jambe, il devient soudainement très boiteux et, dans certains cas, il ne peut même plus appuyer sa jambe. Les ruptures avec déplacement entraînent parfois une position anormale et une mobilité anormale de la jambe. Ces chevaux sont extrêmement inconfortables, douloureux et commencent à paniquer. Les fréquences cardiaque et respiratoire augmentent et le cheval commence à transpirer abondamment. A ce moment-là, il est important de calmer et d’immobiliser votre cheval autant que possible. Il faut se rendre compte qu’à chaque pas supplémentaire fait par le cheval, la fracture peut évoluer de façon catastrophique. Les extrémités tranchantes de l’os peuvent causer beaucoup de dommages aux tissus et même perforer la peau.
Le cheval doit être gardé aussi calme que possible jusqu’à l’arrivée de votre vétérinaire. Il ou elle évaluera la gravité de la fracture et, si nécessaire, placera une attelle ou un plâtre (Photo 7).
Tout cheval qui s’arrête soudainement d’appuyer un de ses membres est suspecté de fracture. Il est donc conseillé de laisser l’animal sur place jusqu’à ce que votre vétérinaire examine la jambe en question. Les examens cliniques et radiographiques permettent généralement d’établir un diagnostic. Dans certains cas, le cheval doit être transporté dans une clinique spécialisée pour des examens et un traitement plus poussés comme, par exemple, pour diagnostiquer des fractures de la partie supérieure du corps (cou, dos et bassin). Parfois, un examen échographique, une scintigraphie (Photo 8) ou (scanner) sont recommandés (Photo 9 a, b et c) pour confirmer le diagnostic.
Une microfissure est une bombe à retardement !
Certaines fractures sont très dangereuses. Un cheval avec un fissure présente une boiterie forte et soudaine au début, puis présente une amélioration. S’il est retravaillé après quelques jours (parfois même sous analgésique), une fracture catastrophique peut survenir. Comme les fissures ne peuvent pas toujours être observées par radiographie immédiatement après leur apparition, il est préférable d’effectuer de nouveau un examen radiographique après 10-14 jours. D’ici là, il vaut mieux garder le cheval dans un endroit sûr, au repos strict. La tomodensitométrie peut fournir les diagnostics nécessaires dans les cas aigus et peut donc être utilisée immédiatement.
Comment transporter un cheval avec une jambe cassée ?
Le transport jusqu’à la clinique doit être aussi professionnel que possible. Les chevaux dont le membre antérieur est cassé doivent être transportés de préférence à l’envers (arrière train vers l’avant du camion) de façon à ce que le cheval appuie sur ses postérieurs lors du freinage. Des ambulances pour chevaux spécialement équipées sont aussi disponibles. Il est très important que votre vétérinaire réalise une immobilisation correcte du membre cassé à l’aide d’un bandage de soutien spécial (Robert-Jones), d’un pansement en plâtre ou d’une attelle afin de stabiliser au maximum la fracture et ainsi éviter un déplacement malencontreux.
Chez les chevaux de sport, on observe régulièrement des microfissures dans le sillon sagittal de la première phalange. Ces fissures restent souvent présentes de façon chronique et donnent lieu à des boiteries intermittentes. Si elles ne sont pas diagnostiquées et stabilisées à temps à l’aide d’une vis de compression (Photo 10 a et b), elles peuvent soudainement provoquer une fracture grave de la première phalange pendant un entraînement ou une compétition.
Photo 10 a et b : Cheval de sport avec une fissure chronique dans l’articulation, stabilisée par 3 vis afin d’éviter une fracture grave.
Comment ces fractures se produisent-elles ?
La plupart des fractures surviennent en raison d’une chute ou d’un traumatisme extérieur. Par exemple, les chevaux ferrés peuvent provoquer des fractures dangereuses s’ils tapent un autre cheval. Aussi, une fracture de la troisième phalange peut survenir si le cheval tape contre le mur de l’écurie. Les fractures de la mâchoire surviennent régulièrement en raison d’une réaction de panique lorsque le cheval se frotte entre les barres du box. Optez donc toujours pour des murs stables avec un espace étroit entre les barreaux. Chez les poulains, il est régulièrement observé des fractures du fémur car la mère marche accidentellement sur leur jambe pendant qu’il dort. Par conséquent, il est conseillé de prévoir un box spacieux pour les juments avec leur poulain et aussi de faire attention aux juments qui veulent protéger les poulains de façon excessive. Approchez-vous d’elles très prudemment pour ne pas générer de stress et ainsi éviter qu’elles ne marchent sur leur petit.
Aussi, certaines fractures surviennent spontanément lors d’un travail à la longe ou monté, en raison d’une surcharge sur le squelette. Des microfissures sont souvent à l’origine de ces fractures qui surviennent généralement sur la première phalange (photo 11).
Comment traiter une fracture ?
Certaines fractures peuvent guérir spontanément et ne nécessitent pas de traitement spécifique en dehors du repos. Les petits fragments osseux qui se décomposent dans l’articulation (fracture d’avulsion, Photo 11) sont préférablement enlevés par chirurgie (arthroscopie) parce qu’ils provoquent une irritation articulaire chronique qui entraîne une arthrose de longue durée. Si des fragments osseux plus gros se cassent dans une articulation, ils doivent être refixés afin de conserver l’intégrité de l’articulation (Photo 12 a,b).
Il est très important de restaurer au mieux la surface articulaire afin d’obtenir une surface parfaitement lisse. Si ce n’est pas le cas, le cheval développera progressivement une arthrose sévère. Les fissures peuvent dans certains cas cicatriser spontanément à condition qu’une période initiale de repos stable soit suivie d’un programme de rééducation adapté. La jambe concernée peut ou non être plâtrée selon l’emplacement, la taille et la configuration de la fissure. Cependant, les fissures étendues doivent être stabilisées avec une ou plusieurs vis de compression car elles peuvent évoluer vers une fracture totale en raison du poids et de l’activité du cheval.
S’il y a une véritable fracture, nous la réparons habituellement avec des vis et parfois des plaques supplémentaires. La photo 13 montre une fracture complexe de la première phalange quelques mois après l’intervention, dans laquelle 6 vis de compression ont été placées pour réduire et stabiliser tous les fragments. Grâce au guidage par tomodensitométrie, cette intervention a pu être réalisée de manière minimalement invasive en utilisant 6 petites incisions cutanées.
Chez le cheval suivant (Photo 14), en plus des vis de compression, 2 plaques ont été utilisées pour réduire et stabiliser la fracture complexe de la deuxième phalange. Dans ce cas, l’articulation de la couronne, gravement endommagée, a été fusionnée en même temps (arthrodèse) afin de prévenir une arthrose grave. Les chevaux présentant une arthrodèse de l’articulation de la couronne ont un pronostic relativement bon pour être utilisés à nouveau comme cheval de sport.
Les fractures des os longs tels que les (Photo 5), le coude (Photo 15 a et b), le radius et le tibia doivent généralement être stabilisés avec deux plaques et de nombreuses vis. Cette stabilisation par plaque permet au cheval de se tenir sur la jambe en question immédiatement après l’opération.
La plupart des fractures doivent être opérées dès que possible. Parfois, il faut plusieurs semaines ou plusieurs mois avant qu’une fracture ne soit découverte. Le cheval représenté sur la photo 15 a et b avait le coude cassé. Le cheval a passé un examen orthopédique chez Equitom et notre orthopédiste a diagnostiqué cette fracture 8 mois après son apparition. Il n’y avait pas de guérison ni de formation de cal osseux. Dans ce cas-ci, nous parlons d’une non-union. La fracture a encore pu, 8 mois plus tard, être fixée par nos chirurgiens, à l’aide d’une plaque et des vis.
Il n’y a pas que les chevaux avec des fractures qui peuvent être soignés avec des plaques et des vis. Le cheval représenté sur les photos 16a, b et c a été vu à la clinique suite à une rétraction chronique du boulet. Il ne prenait appui que sur son boulet, et ce depuis plus d’un an. L’articulation était complètement ankylosée et ne pouvait plus être étirée, même d’un millimètre. Dans ce cas, nous avons pratiqué une ostéotomie au cours de laquelle nous avons retiré à la fois un morceau du canon et de la première phalange pour remettre les os dans le même alignement. Après cette ostéotomie, nous avons redressé la jambe et l’avons fixée avec une longue plaque et des vis. Le cheval ne peut plus plier son boulet mais peut marcher normalement et même courir en prairie sans douleur.
De plus, les luxations articulaires nécessitent parfois une ostéosynthèse. Le cheval sur la photo 17 avait une luxation traumatique de l’articulation du jarret. La seule manière possible de l’aider a été de stabiliser l’articulation avec 2 plaques et de nombreuses vis.
Risques de l’opération
La plupart des propriétaires de chevaux ne sont pas suffisamment conscients des risques associés à chaque intervention chirurgicale, à la fois en pré-opératoire et en post-opératoire. De plus, le cheval est une espèce particulièrement sensible et fragile par rapport aux autres. Les complications peuvent être prévenues mais pas complètement évitées. Dans le cas des fractures, le risque est accru en raison du stress préopératoire et du temps d’opération, parfois long, nécessaire pour réparer une fracture complexe.
A partir du moment où les vis et les plaques sont appliquées, le niveau de stérilité doit être augmenté car le matériel d’ostéosynthèse augmente considérablement le risque d’infections.
L’opération doit être effectuée de manière très professionnelle et de préférence, le plus rapidement possible. Plus l’intervention est longue, plus le risque de contamination du champ opératoire et donc d’infection est élevé.
Une autre complication possible est la flexion et/ou la rupture des plaques et des vis chez les chevaux adultes. Il est donc très important que le réveil soit aussi doux que possible. Pour ce faire, le cheval est maintenu au sol le plus longtemps possible grâce à plusieurs personnes, jusqu’à ce qu’il soit suffisamment éveillé. Une fois que le cheval est complètement éveillé, il est tenu à la tête et à la queue à l’aide d’un système de poulies pour l’aider à se lever et maintenir son équilibre.
Que se passe-t-il après l’opération ?
Le traitement post-opératoire consiste en un traitement antibiotique et analgésique pendant plusieurs jours. Un plâtre ou un pansement changé régulièrement est utilisé pour protéger la plaie chirurgicale et fournir un soutien supplémentaire. La plupart des fractures osseuses nécessitent une période de repos de 3 à 6 mois avant d’obtenir une guérison suffisante. Pendant cette période de repos, la cicatrisation de la fracture est suivie de près par radiographie. Le cheval reçoit un programme de rééducation adapté qui doit être suivi minutieusement.
Le pronostic dépend principalement de la nature et de la localisation de la fracture, ainsi que du poids du cheval. Les factures très graves (Photo 18) sont parfois impossibles à réparer et il y a un risque élevé d’infection lors des fractures ouvertes.
D’une manière générale, cependant, grâce au développement récent de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques, une part importante des fractures chez nos chevaux peut maintenant être réparée, à l’exception des fractures du fémur et de l’humérus chez des chevaux adultes. Une proportion significative de chevaux ayant subi une ostéosynthèse est capable de reprendre un travail normal et même des performances sportives par la suite. Chaque fracture est différente et il est donc conseillé de contacter un chirurgien expérimenté dans ce domaine afin de vous donner un conseil correct et adapté concernant les possibilités, le pronostic, le coût et la durée de la revalidation.
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