Les sarcoïdes sont les tumeurs cutanées les plus courantes chez les chevaux. Elles peuvent survenir chez tous les chevaux, quels que soient leur âge ou leur race. Les ânes et les mulets peuvent aussi être affectés (photo 1). Ces tumeurs sont généralement bénignes, ne se répandent normalement pas au niveau des organes et donc ne mettent pas la vie du cheval en danger.
Photo 1: Cet âne présentait une grosse sarcoïde de type fibroblastique.
Cependant, les sarcoïdes peuvent se développer sévèrement et se propager fortement sur la peau. Elles sont souvent persistantes, difficiles à traiter et peuvent causer beaucoup d’inconfort localement.
Qu’est-ce qu’une sarcoïde et d’où viennent-elles ?
Les sarcoïdes sont des tumeurs cutanées résultant d’une croissance anormale du tissu conjonctif et de l’épithélium (tumeurs fibro-épithéliales). L’épithélium est la couche supérieure de cellules de la peau et le tissu conjonctif se trouve juste en dessous. Les sarcoïdes se manifestent par des zones sans poils (photo 2), des zones cornées ressemblant à des champignons, des bosses (photo 3), un épaississement de la peau ou des excroissances charnues (photo 4). Elles peuvent se développer sur n’importe quelle partie du corps mais les zones les plus à risques sont celles où la peau est la plus fine et aux endroits les plus vascularisés. Les sarcoïdes sont donc le plus souvent observées au niveau des paupières, du bout du nez, des oreilles, de l’abdomen, de l’aine, des aisselles et des organes génitaux. Elles sont généralement bénignes et non contagieuses mais il arrive qu’elles se propagent si elles ont un aspect sanglant ou charnu. Cette contagion peut se faire via des insectes, par contact direct avec un autre cheval qui a la peau abimée ou par contact indirect avec une tondeuse par exemple.
Un même cheval peut présenter plusieurs sarcoïdes réparties sur tout le corps, de différentes formes et à différents endroits.
L’étiologie de ces tumeurs n’est pas encore tout à fait claire. Il a été démontré que le papilloma virus bovin (BPV, un virus qui cause des verrues chez les bovins) joue un rôle important dans le développement des sarcoïdes. On pense aussi que les mouches pourraient intervenir dans la transmission du virus mais la manière dont ce dernier se propage n’est pas encore connue et fait toujours l’objet d’étude.
Quelles sont les différentes formes de sarcoïdes ?
Les sarcoïdes peuvent se manifester de 6 formes différentes. Chaque forme s’exprime différemment et a ses propres caractéristiques. Cet aspect multi-facettes rend difficile pour un propriétaire de reconnaître certaines sarcoïdes.
Forme occulte :
Elle se manifeste par une zone ronde et sans poil (photo 2). La forme d’une sarcoïde peut évoluer vers un stade ultérieur. Habituellement, cela est accompagné d’une peau amincie ou squameuse. La forme occulte peut être confondue avec une infection fongique mais contrairement aux sarcoïdes, les infections fongiques se développent plus rapidement et se propagent davantage à d’autres parties du corps.
Forme verruqueuse :
C’est la forme la plus courante des sarcoïdes. Elle se manifeste par des taches ressemblant à des verrues (Photo 3), parfois avec une peau squameuse ce qui rend facile la confusion entre cette forme et une simple verrue. Elles présentent une croissance lente mais peuvent devenir très grandes avec le temps.
Forme nodulaire
Sous cette forme, des épaississements nodulaires peuvent être trouvés sur ou sous la peau (photos 6 et 7). Cette forme est également subdivisée en deux types, à savoir le type « mobile » ou « fixe ». Avec la forme non-adhérente “mobile”, le nodule peut être déplacé sous la peau, contrairement à la forme fixe où la tumeur est adhérée au tissu sous-jacent.
Forme fibroblastique
Les sarcoïdes fibroblastiques s’expriment comme de grandes masses à la surface ulcérée (photos 1, 8, 9 et 10). Parfois, elles se transforment en une véritable boule de chair qui ressemble à de la viande crue. Les formes nodulaires peuvent se transformer en sarcoïde de ce type si elles sont enflammées ou endommagées.
Photo 1
Forme mixte
Avec la forme mixte, toutes les caractéristiques ci-dessus se retrouvent dans une seule et même tumeur (photo 12).
Forme maligne
Heureusement, ce type est rare. Cette forme est très agressive et peut pénétrer profondément dans les tissus sous-jacents. Cette tumeur peut également se propager dans tout le corps via les vaisseaux lymphatiques.
Comment se fait le diagnostic ?
Lorsque vous voyez un endroit suspect ou une bosse sur votre cheval, il est toujours conseillé de consulter un vétérinaire. Il sera capable de trouver le diagnostic le plus probable en auscultant la masse. Le diagnostic définitif est généralement fait après un examen histopathologique en laboratoire. La tumeur doit être complètement enlevée et envoyée pour analyse. Il est fortement déconseillé de pratiquer une biopsie ou de retirer une partie de la tumeur car cela peut amener à une multiplication rapide et donc à une augmentation de son agressivité. Avec la forme ulcéreuse fibroblastique, un écouvillon peut également être prélevé pour tester la présence d’ADN du virus BPV par PCR (réaction en chaîne par polymérase). Cette technique n’est pas invasive et ne déclenchera donc pas de réaction de la tumeur. Déterminer le type de sarcoïde est important pour estimer le risque de récidive et pour préparer un plan de traitement approprié.
Est-ce que mon cheval en souffre ?
Dans un premier temps, ces tumeurs ne causent aucune gêne pour le cheval : elles ne sont pas douloureuses, elles ne perturbent pas le fonctionnement normal des tissus et ne grandissent généralement pas trop vite. Cependant, elles peuvent causer des problèmes lorsqu’elles se développent dans des endroits désagréables comme au niveau des aisselles par exemple, où les frottements et les irritations peuvent provoquer une inflammation de la tumeur. A ce moment-là, la tumeur peut être douloureuse. De plus, la vue du cheval peut être obstruée si les sarcoïdes apparaissent au niveau des yeux ou des problèmes lors de la monte peuvent être rencontrés lorsqu’elles se situent autour des oreilles ou au passage de sangle.
Quels sont les traitements disponibles pour les sarcoïdes ?
Les sarcoïdes sont souvent difficiles à traiter. Il existe différentes options en fonction de la taille, de l’emplacement, du type et du stade de croissance de la sarcoïde. De plus, le traitement ne garantit pas toujours que la récidive soit écartée. La tumeur peut revenir au même endroit mais aussi à un endroit différent et ceci sous la même forme ou sous une forme plus agressive. Lorsque les sarcoïdes sont endommagées (traumatisme, biopsie, traitement inapproprié), elles sont souvent encouragées à changer de type avec généralement une agressivité augmentée.
L’exérèse chirurgicale de la tumeur donnera toujours de meilleurs résultats si elle est effectuée correctement (taux de réussite d’environ 85%). La plupart des sarcoïdes sont retirées chirurgicalement en clinique à l’aide d’un laser (photo 15) ou d’un bistouri. Il est très important de ne pas toucher la tumeur avec les instruments ou les mains pendant l’opération et de disséquer avec une marge suffisante pour éviter la propagation ou la récidive de la tumeur. Pour les grosses masses où il n’est pas possible d’éliminer toute la tumeur ou d’avoir une marge suffisante, une session d’électro-chimiothérapie préopératoire est réalisée pour ralentir ou éliminer les probables cellules tumorales présentes aux bords de la plaie.
L’électro-chimiothérapie (photo 16) utilise une nouvelle technologie. Pour cela, le cheval doit être placé sous anesthésie générale pendant une courte période. La sarcoïde est excisée à l’aide d’un laser aussi largement que possible puis la substance chimio-thérapeutique (par exemple, le cisplatine) est injectée aux bords de la plaie ou dans le tissu tumoral restant. Ensuite, des impulsions électriques sont appliquées sur ces tissus avec un appareil spécialement conçu. Ces décharges électriques permettent l’ouverture de la membrane cellulaire et améliorent la pénétration de la substance chimio-thérapeutique dans la cellule.
Pour les sarcoïdes tenaces, il est recommandé de répéter cette électro-chimiothérapie encore une ou deux fois après la chirurgie, à des intervalles de deux à trois semaines. Avec cette technique, nous constatons que plus de 95% des chevaux restent exempts de sarcoïdes.
Pour les tumeurs situées dans un endroit à risque, comme autour des yeux, des oreilles et de la bouche, une exérèse chirurgicale ne peut pas être pratiquée dans certains cas et seule l’électro-chimiothérapie est réalisée avec une grande chance de succès.
Si la tumeur est superficielle, pas trop grande ou positionnée favorablement, on peut opter pour la cryothérapie. La tumeur est alors congelée à plusieurs reprises au moyen d’azote liquide et à nouveau décongelée. Ce processus garantit la destruction des cellules tumorales. Cette technique n’est plus souvent utilisée car elle n’est pas spécifique et peut donc endommager les tissus (sains) environnants. De plus, la cryothérapie résulte souvent en un tissu cicatriciel et une dépigmentation du poil sur le site de traitement. Si la tumeur est située à un endroit où il est difficile de l’enlever, par exemple autour des yeux, des injections de BCG (Bacillus Calmette-Guérin) peuvent être envisagées. Une souche bactérienne affaiblie est injectée dans la tumeur ce qui va activer localement le système immunitaire du cheval. Des effets secondaires tels qu’une inflammation grave et une réaction allergique peuvent survenir avec cette technique. Un inconvénient supplémentaire des techniques décrites dans ce paragraphe est qu’elles n’offrent qu’un taux de réussite d’environ 60%.
Enfin, il existe sur le marché un certain nombre de crèmes cytotoxiques pour le traitement des sarcoïdes. Cependant, ces crèmes tuent non seulement les cellules tumorales mais également les autres tissus. Le traitement n’est donc pas spécifique et souvent imprévisible. Si vous utilisez ce traitement, suivez toujours les conseils de votre vétérinaire.
Remarque : portez toujours des gants lorsque vous appliquez ces onguents et assurez-vous que le cheval ou un autre cheval ne peut pas lécher ou se frotter contre pour éviter les brûlures graves.
Quelques astuces concernant les sarcoïdes :
- Contactez votre vétérinaire si vous suspectez une sarcoïde.
- Ne jamais ponctionner une tumeur, ne pas la couper avec un fil ou ne pas mettre d’élastique sur celle-ci. Ne pas appliquer de produits sans l’avis de votre vétérinaire. Même la biopsie est généralement contre-indiquée car elle active la tumeur.
- Renseignez-vous bien sur les méthodes de traitement, leurs risques et leur taux de réussite avant de prendre une décision.
- Les plaies chroniques avec une formation de chair qui ne veulent pas guérir peuvent dégénérer en sarcoïdes (photo 13). Souvenez-vous de cela si vous avez une plaie qui traîne pendant des mois…
- N’oubliez pas que les sarcoïdes peuvent se transmettre par les insectes si elles sont ouvertes (boule de chair, ulcération). Un bon contrôle des mouches est donc important et ne pas laisser les chevaux vaquer à leurs occupations avec de tels sarcoïdes ouvertes. Avant de vous en rendre compte, d’autres chevaux de la région seront touchés…
- Si un traitement est nécessaire, il est préférable de le faire de manière professionnelle, le plus rapidement possible.
- N’abandonnez pas trop vite. Les cas graves, souvent catastrophiques, peuvent souvent être traités avec l’électro-chimiothérapie.
Conclusion
Les sarcoïdes sont des tumeurs qui peuvent avoir de terribles conséquences (photos 1, 9, 10, 14 et 15). De plus, elles sont souvent difficiles à traiter. Ne tergiversez pas trop avec ces tumeurs, n’appliquez pas de pommade et n’effectuez aucun traitement sans d’abord contacter votre vétérinaire. Un traitement inapproprié peut stimuler la sarcoïde et la rendre plus agressive. Il existe différentes options de traitement en fonction de l’emplacement, de la taille et de la forme d’expression d’une sarcoïde. L’électro-chimiothérapie est une nouvelle thérapie très efficace dans la lutte contre ces tumeurs.
Si vous avez des questions sur cette technique ou si vous avez des questions spécifiques concernant une bosse sur votre cheval, vous pouvez toujours nous envoyer un email à info@equitom.be.
Texte: Vétérinaires Tom Mariën, Mathieu Foucaud et Jasmien Deman
Photos: Equitom et Shutterstock
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