Une arthropathie peut être définie comme la maladie d’une articulation.
Régulièrement, les termes arthrite ou arthrose sont utilisés. Le suffixe ‘-ite’ indique une inflammation aigüe et active.
Par exemple, en cas de trauma. Le suffixe ‘-ose’ signale plutôt un processus dégénératif.
Les articulations en détail
ANATOMIE – Par définition,
une articulation est une communication mobile entre 2 os. Chez le cheval, certaines articulations sont composées de plus de 2 os (par exemple le jarret ou le carpe) ont un os sésamoïde supplémentaire qui optimalise leur stabilité ou celle de tendons adjacents. Parmi les articulations, il y a également une grande variété au niveau de la forme et du mouvement.
L’articulation du paturon ou articulation interphalangienne proximale, par exemple, est une articulation ‘en selle’ qui montre peu de mouvement.
L’articulation du boulet est plutôt une articulation avec une grande amplitude de mouvement.
La plupart des articulations sont par contre composées de la même façon. L’épiphyse, ou la fin des os adjacents, a une couche terminale d’os très durs, l’os sous-chondral qui est couvert d’une fine et lisse couche de cartilage. Ce cartilage n’a aucun nerf ou vaisseau en son sein et est uniquement nourri par le liquide synovial. Ce liquide, qui a également un rôle d’amortisseur au niveau de l’articulation, est produit par des proliférations de la membrane synoviale. Cette membrane est finalement renforcée par une capsule fibreuse. La stabilité de l’articulation est souvent maintenue grâce à des ligaments de soutien ou collatéraux.
ORIGINE D’UNE ARTHROPATHIE
Dans la plupart des cas, l’arthropathie trouve son origine dans une lésion cartilagineuse. Une telle lésion peut être facilement provoquée par un trauma ou par un fragment osseux libre mais également par une dégénérescence du liquide synovial ou une surcharge physique du cheval. Les surcharges sont souvent associées à une densification de l’os sous-chondral qui essaye de s’adapter aux charges qui lui sont imposées.
Quand le cartilage ou l’os sous-chondral ne fonctionnent plus correctement, l’amortissage et la bonne distribution des forces à travers l’articulation sont interrompus. Un cercle vicieux va se mettre en place.
Les marges articulaires vont s’élargir (ostéophytes) et les marges ligamentaires vont se renforcer (enthésiophytes). La production de liquide synovial peut augmenter afin de, ou du moins essayer de, stabiliser le milieu articulaire (synovite).
En cas de sévère gonflement ou distension d’une articulation d’une certaine durée, la membrane synoviale et la capsule articulaire vont s’épaissir, se densifier ou même se calcifier. Si tous ces changements n’arrivent pas à balancer l’instabilité articulaire, le cartilage s’érode plus profondément et l’os sous-chondral et même l’os adjacent, l’os trabéculaire, se densifient encore plus. Si le cartilage est par endroit complètement abîmé, l’os sous-chondral peut s’éroder et des lésions kystiques dégénératives peuvent se former. Si une articulation surchargée continue à travailler, des microfissures et, plus grave, des fractures peuvent apparaître.
DIAGNOSTICS
Comme le cartilage n’a pas de nerf, il ne cause pas de douleur et comme il n’a pas de vaisseaux, il se répare difficilement.
- Reconnaître les premiers symptômes d’arthropathie est donc extrêmement difficile, mais nécessaire. Une investigation approfondie est conseillée en cas de trauma avec une boiterie sévère (arthrite traumatique sans ou avec rupture ligamentaire) ou lors de plaie proche d’une articulation.
- Si une infection se met dans l’articulation et crée une arthrite septique, les conséquences sont souvent graves. Contrôler ou dépister les jeunes chevaux avec des fragments osseux est également à prévoir afin de les enlever avant l’apparition de lésions articulaires. Reconnaître les premières douleurs liées à une dégénérescence ou une surcharge est par contre beaucoup moins évident. La règle simple est: chaque boiterie ou gonflement d’une articulation mérite un examen vétérinaire.
- Chaque examen vétérinaire commence par une inspection statique et dynamique du cheval :
On recherche des distensions articulaires, des changements de température, des instabilités ou des réactions douloureuses. Les boiteries associées à des arthropathies sont malheureusement d’une grande variété selon l’origine, la forme ou la fonction de l’articulation atteinte.
Certaines seront sévères et aigües (par exemple en cas de distorsion) d’autres seront plutôt de faible grade, lentement progressives ou uniquement visibles sous certaines circonstances (par exemple en cas d’arthrose dégénérative). Des réactions douloureuses après une flexion ou réactions positives après une anesthésie régionale d’une articulation confirment souvent le diagnostic.
Afin de bien détailler les lésions et leur sévérité, le vétérinaire va effectuer des radiographies. Les radiographies nous montrent les gonflements présents, mais nous permettent surtout de voir les changements osseux. Les premiers changements osseux peuvent être visualisés à partir de 7 à 10 jours, mais toutes les lésions osseuses ou tissulaires (ligamentaires ou synoviales) ne sont pas visibles en radiographie.
Une échographie peut aider à investiguer les ligaments, la capsule et la cavité articulaire, ainsi qu’une partie du cartilage et de l’os sous-chondral sous-jacent. Toutefois, certaines articulations sont incomplètement explorables en échographie (par exemple, le grasset à cause de son volume et de la profondeur des tissus).
Dans certains cas, le vétérinaire peut donc envisager de faire un examen approfondi d’imagerie. Un CT-scan ou tomographie densimétrique nous donne un excellent détail osseux. L’anatomie osseuse et les lésions productives, érosives ou kystiques sont visualisées en 3 dimensions. On peut également injecter un produit de contraste dans l’articulation afin de délimiter la surface cartilagineuse. Un cartilage sain est lisse et d’épaisseur suffisante et égale. Le contraste va également aider à déterminer l’intégrité d’autres structures au sein de l’articulation (les ménisques et les ligaments croisés situés en profondeur du grasset par exemple). Malgré son énorme potentiel à donner les détails osseux, certaines lésions sont uniquement visibles en IRM (imagerie par résonance magnétique). L’exemple est la lésion médullaire ou la lésion de ‘type oedème osseux’. Ces types de lésions peuvent être observés lors de contusions traumatiques, de surcharges physiques, de premiers signes de fissure, ainsi que lors de lésions kystiques de jeune âge (juvéniles) ou dégénératives. L’articulation est également visualisée en plusieurs dimensions et les tissus mous comme les ligaments et les tendons adjacents peuvent être visualisés de manière très détaillée. L’état du cartilage est également bien estimé.
THÉRAPEUTIQUES
La thérapie d’une arthropathie va être basée sur les éléments trouvés en clinique et en imagerie. Dans le cas d’une inflammation mineure, du repos, des anti-inflammatoires et/ou des suppléments par voie générale ou locale sont parfois suffisants pour stabiliser l’articulation. Par contre, pour des chevaux avec des lésions plus évoluées, parfois à cause d’une détection tardive des premiers signes ou à cause d’une susceptibilité individuelle augmentée, cette thérapie est souvent insuffisante.
Dans ce cas, la première thérapie est souvent une thérapie anti-inflammatoire plus poussée localement, soit avec des corticostéroïdes (tenu compte de leur effet négatif vis-à-vers le cartilage), soit avec une thérapie anti-inflammatoire autogène. Parmi ces thérapies autogènes se retrouve l’IRAP ou protéine antagoniste du récepteur à interleukine-1, substance anti-inflammatoire prélevée dans le sang du cheval lui-même suite à une série de manipulations. D’autres thérapies peuvent avoir un but plutôt régénératif, comme le PRP (plasma riche en plaquettes) contenant de multiples facteurs de croissance ou comme les cellules souches, cellules non- ou peu différenciées et donc ouvertes à devenir des cellules cartilagineuses, synoviales ou osseuses. Des résultats positifs ont été observés après traitement avec des cellules souches par voie locale ou locorégionale. Néanmoins, leur mode d’action est aujourd’hui incomplètement connu. Ces thérapies sont souvent combinées avec des suppléments articulaires (par exemple acide hyaluronique par voie locale ou intramusculaire).
La ferrure est un autre facteur thérapeutique important. Le bon parage et la ferrure orthopédique adaptée aux besoins du patient permettent de réaligner les axes articulaires, de décharger les zones surchargées et de faciliter les mouvements du cheval. Le management de l’entraînement et le choix de terrain sont également à considérer. Il est recommandé d’éviter de répéter les exercices lourds et de travailler sur un sol ni trop mou ni trop dur. Une certaine période de repos et une réhabilitation progressive sont à suivre dans un premier temps. En parallèle, des thérapies telles que le Spa et l’AquaTrainer peuvent améliorer la reprise progressive de travail.
Enfin, certaines arthropathies sont mieux traitées par une intervention chirurgicale. Des fragments ostéochondraux juvéniles (OCD) sont à enlever par arthroscopie lors du jeune âge (18-24 mois), une technique chirurgicale peu invasive. Des plaies proches d’une articulation sont parfois mieux examinées sous anesthésie générale et chaque atteinte septique nécessite un lavage articulaire profond et par la suite des thérapies antibiotiques. Dans certains cas, une intervention plus invasive est nécessaire. Les kystes osseux juvéniles peuvent être activés et les fissures stabilisées par la mise en place d’une vis transfixante. D’autres arthropathies impliquent des articulations peu mobiles et le comblement ou pontage complet de l’articulation (ankylose spontanée ou arthrodèse chirurgicale) est préférable et nécessaire à la disparition de la source de douleur. Par exemple pour l’éparvin ou arthropathie dégénérative des petites articulations du jarret, les articulations sont par endroit ‘détruites’ à l’aide d’une foreuse. Les os adjacents sont activés et vont se souder. Certaines autres articulations plus mobiles ou fortement évoluées peuvent être stabilisées par un complexe de plaques et vis à travers les différents os impliqués. Ces types de chirurgie orthopédique sont fréquemment effectués sous la guidance d’un CT-scan afin d’obtenir de meilleurs résultats.
Le message à retenir
L’arthropathie équine est constituée de maladies complexes, d’origines différentes, avec des présentations cliniques variables. Le diagnostic n’est pas toujours clair et parfois l’imagerie approfondie est indispensable. Le traitement est une combinaison de soins vétérinaires, de repos et de réhabilitation. Malheureusement, malgré les meilleurs soins, pour certains chevaux, l’arthropathie entraîne la fin de la carrière de loisir ou sportive.
L’équipe de la clinique équine Equitom
Crédit photo @Equitom et Shutterstock