Couvrant plus de 36% de la surface agricole en Europe[1], les prairies exercent plusieurs fonctions. Si elles peuvent assurer une part importante de l’alimentation des équidés, elles produisent aussi des services environnementaux (capture de carbone, limitation de l’érosion…) et sociétaux (maintien du paysage ouvert…) reconnus. Un système de production basé sur l’utilisation de l’herbe pour les équins contribue à adopter des pratiques qui peuvent favoriser le bien-être animal, limiter les intrants (achats d’aliments) et maintenir la biodiversité biologique, sous réserve qu’elles soient réalisées dans de bonnes conditions. 10 conseils sont ici proposés pour favoriser une conduite adaptée afin de préserver et entretenir cette ressource fourragère.
© P. Doligez / IFCE
1) Faire pâturer avec un chargement élevé aux périodes de pousse de l’herbe
Pour bien valoriser l’herbe, il est important d’adapter le chargement (nombre d’équidés par hectare) à la hauteur d’herbe disponible dans la parcelle. La vitesse de pousse de l’herbe varie au cours du temps en fonction des conditions de température et d’humidité. Dans les zones herbagères tempérées, elle est très importante au printemps et dans une moindre mesure à l’automne. À ces périodes, la biomasse (quantité d’herbe) disponible peut dépasser les besoins des animaux et engendrer l’apparition de refus si la surface proposée est importante. Le pâturage tournant est une conduite idéale pour optimiser l’utilisation de l’herbe par les herbivores en faisant face plus facilement aux excédents ou pénuries d’herbe. Cette technique consiste à faire tourner le lot d’équidés sur des sous-parcelles, en changeant de surface tous les 7 jours environ pour pratiquer une période de repos (sans animaux) d’au moins 21 jours. Le changement de parcelle sera rapide lorsque la vitesse de croissance de l’herbe est maximale (mai) et plus lent lorsque le développement de la biomasse ralentit (périodes plus sèches). Le pâturage tournant permet d’assurer une ressource alimentaire de qualité (hautes valeurs nutritives énergétique et protéinique) aux animaux à forts besoins (poulinières, poulains). Les animaux entrent dans la parcelle avec une hauteur de 10-15 cm et sortent lorsque la hauteur atteint 5-6 cm. Au printemps, lorsque la pousse de l’herbe est maximale, le chargement optimal se situe autour de 0.5 ha/jument suitée par exemple. En été, le chargement doit être plus faible, c’est-à-dire qu’il faut proposer une surface plus importante de l’ordre de 1 ha/jument suitée.
2) Limiter le surpâturage en sortant les chevaux des prairies rasées
Lorsque le nombre d’animaux est important et la surface est faible (0,2 ha/cheval), l’herbe disponible est rapidement consommée, entraînant le surpâturage (consommation d’herbe en-dessous de 5 cm de hauteur d’herbe). Cette conduite entraîne l’épuisement des réserves glucidiques situées à la base des gaines des graminées proches du sol. Il est préférable de délocaliser le groupe de chevaux vers une surface « sacrifiée » ou stabilisée en leur distribuant du fourrage conservé plutôt que de les maintenir en permanence sur la même parcelle, si l’on souhaite que cette dernière reste enherbée.
3) Limiter la formation de refus et le développement de plantes toxiques
Lorsque le couvert végétal est abondant, le cheval choisit d’abord les masses d’herbe les plus hautes et les plus appétentes (herbe jeune, au stade feuillu, riche en sucres et en protéines). Lorsque le couvert devient plus mature (herbes montées à épi), le cheval sélectionne en entretenant des zones d’herbe rase et défèque sur des zones qui deviennent plus hautes car non consommées. Dans ces zones de « refus », où se concentrent les nutriments apportés par les déjections, des plantes diverses peu désirables (moins appétentes et nutritives) peuvent s’y développer. Ces plantes « adventices » sont des espèces végétales qui s’installent de façon spontanée (chardon, rumex, berce…). Des plantes toxiques (séneçons, porcelle enracinée…) peuvent également se développer lorsque le sol est dégarni (zones surpâturées ou à faible densité de graminées). Il est donc important de maintenir un couvert de qualité (avec un mélange à dominance de graminées) en limitant le surpâturage et en fauchant les plantes avant la dissémination des graines. La fauche assez tôt en saison (début juin) et/ou le broyage (après chaque passage d’animaux) permet de maîtriser les espèces indésirables et rétablit l’homogénéité du couvert végétal pour le cycle suivant.
4) Pratiquer l’alternance fauche/pâturage
Pour maintenir un couvert végétal composé d’espèces prairiales variées et intéressantes comme ressource alimentaire pour les équidés, l’alternance de la fauche pour produire un fourrage conservé (foin, enrubanné) et de saisons de pâturage préserve la flore et favorise la pérennité des prairies naturelles. Le déprimage, qui consiste à faire pâturer de façon temporaire en début de saison (mars si la portance du sol le permet) les graminées, en sortant rapidement les animaux pour laisser ensuite pousser l’herbe jusqu’à sa fauche (juin), est aussi une autre technique d’alternance fauche/pâturage.
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5) Pratiquer le repos hivernal
Le repos de la parcelle en période hivernale est essentiel pour garantir la pérennité du couvert végétal de la prairie. Une période minimale de 3 mois (70 jours) sans animaux est conseillée avant réutilisation pour favoriser la reprise du tallage (régénération des végétaux par la base) au printemps. De même, au cours de chaque cycle de l’herbe, une période de pousse après le redémarrage en végétation sans la présence d’animaux est nécessaire pour exploiter pleinement la période de pâturage suivante.
6) Fertiliser pour rechercher de la productivité
Le pâturage et la fauche des végétaux entraînent l’exportation de nutriments du couvert végétal de la prairie. La fertilisation, qui consiste à apporter principalement les éléments azote (N), phosphore (P) et potassium (K), essentiels au développement végétatif des graminées, doit être raisonnée à l’année, en fonction des besoins des animaux nourris à l’herbe et du système fourrager choisi. Les apports sont possibles sous forme d’engrais minéraux ou organiques (fumier, compost). Des apports d’azote de l’ordre de 20-50 kg/ha au printemps permettent de garantir une pousse importante (si les conditions météos restent favorables) pour valoriser la prairie dans le cas d’un pâturage tournant avec des chevaux à forts besoins ou lorsqu’une fauche précoce est envisagée. Les apports de phosphore et potassium sont nécessaires surtout lorsque la parcelle est exploitée principalement par la fauche, car les exportations sont importantes, notamment dans les tiges et les graines. Pour établir un plan de fertilisation adapté, il est aussi nécessaire de tenir compte des apports de minéraux par les déjections des animaux. Le conseil d’un agronome facilite le choix des fertilisants et les modalités d’application.
7) Amender avec des matières organiques
L’amendement des prairies par l’apport de fumier ou de compost est une technique avantageuse, combinant l’utilisation des effluents de l’exploitation avec la fertilisation, par la fourniture d’éléments nutritifs et de matière organique au sol. Cette dernière favorise le maintien de la structure du sol en permettant une meilleure rétention des nutriments et de l’eau par les constituants de la surface arable.
8) Chauler si le sol devient trop acide
Le chaulage consiste à apporter des produits basiques à base de calcium (Ca) et de magnésium (Mg) pour réduire l’acidité du sol. L’acidification se produit naturellement par l’utilisation des nutriments du sol par les plantes. Lorsque le sol est acide (pH < 6), l’aluminium libéré dans le sol devient toxique pour les plantes, qui n’arrivent plus à utiliser les nutriments nécessaires à leur développement. L’apport de chaux (craie, marne, dolomite, roche calcaire) améliore la vie microbienne du sol et l’efficacité des apports d’engrais. Il limite aussi le développement de plantes indésirables comme les renoncules (bouton d’or) par exemple. Ce traitement peut être réalisé toute l’année, mais on privilégiera les périodes après exploitation (fin d’été ou automne), quand le sol est portant et en absence des animaux.
9) Sursemer les prairies naturelles
Pour limiter la formation de zones nues propices au développement des adventices et des plantes toxiques, il est important de maintenir un couvert végétal homogène sur les surfaces herbagères utilisées comme ressource alimentaire. Les zones de passage et d’affouragement sont sujettes au piétinement excessif qui dégrade le couvert végétal. Le sursemis consiste à regarnir certaines zones nues avec des espèces prairiales à implantation rapide (ray-grass) et résistantes au piétinement (variétés gazonnantes, diploïdes, tardives). On peut semer à la volée ou utiliser un semoir à disques en ayant préparé le sol préalablement (griffage avec un rotavator ou une herse par exemple). Les périodes, les doses de semis, les variétés et espèces végétales seront choisies en fonction des conditions pédoclimatiques (sol et climat) et de l’utilisation de la parcelle (pâturage et/ou fauche).
10) Maintenir la biodiversité
Dans les espaces naturels, le comportement alimentaire naturel du cheval conduisant à l’hétérogénéité du couvert peut accroître la biodiversité de la prairie. Dans les zones d’alimentation rases, des espèces de petite taille, à rosette (type pissenlit) résistent au piétinement des chevaux. Dans les zones de refus, les espèces non consommées deviennent matures (épiées) rapidement, favorisées par la fertilisation apportée par les déjections des équins. Ce mode de pâturage engendre aussi une diversité d’habitats pour la faune prairiale. Dans les prairies exploitées de façon plus intensive par le pâturage des herbivores, lorsque l’on donne le choix aux équidés (chargement modéré < 2 chevaux/ha), ils sélectionnent davantage des zones végétatives rases en comparaison à un chargement plus élevé (> 2 chevaux/ha) où le pâturage est plus homogène sur l’ensemble de la parcelle. Cependant, en comparant les deux modalités de pâturage, l’hétérogénéité structurale n’est pas très différente. Ainsi, un pâturage plus intensif n’a pas d’effet délétère sur la biodiversité s’il est correctement conduit (limitation du surpâturage).
Pour conclure… Le cheval, comme les autres herbivores, est adapté pour satisfaire ses besoins nutritionnels par l’utilisation des pâturages. Il utilise la ressource herbagère de façon hétérogène. Une conduite et un entretien adaptés tout au long de l’année sont nécessaires pour favoriser le développement du couvert végétal exploité par les équins, tout en contribuant au maintien de la biodiversité des prairies au cœur des enjeux environnementaux et sociétaux.
Par Pauline DOLIGEZ (ingénieure de projets & développement « Alimentation et entretien des équidés » IFCE)
[1] GODOC B., CRESTEY M., MADRID A. et PAVIE J. (2023). Les chiffres clés des prairies et parcours en France – Les atouts et caractéristiques des prairies et parcours en France au cœur des territoires et au menu des ruminants. Idele [en ligne].
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