12 avril 2020 - Disciplines

Se relâcher pour plus d’efficacité à cheval

Dossier
Mise en selle à cheval

@ A.Laurioux

Que ce soit en compétition ou pour le loisir, le cavalier est un athlète à part entière, au même titre que sa monture. Loin d’être optionnelle, sa condition physique est une nécessité. Elle doit faire l’objet d’un entraînement régulier, aussi bien pour viser la performance que pour le simple plaisir de la pratique. Si l’endurance, la force et la puissance sont des facteurs de la condition physique, la préparation ne se résume pas au cardio et à la musculation. Pour être efficace, le travail doit aussi inclure le développement d’autres capacités physiques et mentales fondamentales, comme équilibre, souplesse, coordination, réactivité, concentration… C’est la combinaison de l’ensemble de ces capacités qui conduit au geste juste dans un minimum d’effort et un maximum d’efficacité. Mais cela n’est possible que si le corps est suffisamment relâché. Votre état de contraction musculaire est étroitement lié à votre état d’esprit : le relâchement musculaire induit en effet une détente physique, et réciproquement. Vous devez donc apprendre à prendre conscience de votre corps. L’état de détente corporelle et mentale en résultant vous permettra de vous concentrer sur vous-même et d’écarter toute pensée/résistance physique parasite, néfaste à l’apprentissage et la performance. Cela facilitera également l’ajustement de votre tonus musculaire pour une plus grande liberté de mouvement, sans raideur, et la production d’un mouvement juste. Mais comment faire ?

Décontractez-contractez-relâchez vos muscles

Debout sur les étriers en contraction maximum
Debout sur les étriers en contraction maximum @ N.Sanson
Assis en relâchement maximum
Assis en relâchement maximum  @ N.Sanson

 

Dans la position « debout sur les étriers », commencez par décontracter toutes les parties de votre corps, du visage jusqu’au bout des orteils. Efforcez-vous de conserver le minimum de muscles sous tension pour tenir debout. Une fois que vous avez réussi à prendre conscience de la décontraction de toutes les parties de votre corps, vous allez maintenant, à l’inverse, les contracter une à une jusqu’à être raide comme un piquet des pieds à la tête. Pour bien sentir la différence, essayez de ressentir votre corps de l’intérieur. Cela améliorera vos propres sensations et vos facultés de concentration. Enfin, relâchez tout et passez en revue toutes les parties de votre corps, comme au début de l’exercice. Appréciez la différence en profitant de toutes les sensations agréables du relâchement. Cela vous aidera à mieux prendre conscience de vous-même au moment présent.

Alternez ensuite cette position contractée debout avec la position assise suivante. Asseyez-vous dans votre selle, là où votre assiette se place naturellement. Vous devez vous sentir le plus lourd possible sur le dos de votre cheval, avec l’impression que l’effet de la pesanteur vous interdit toute contraction inutile. Votre cheval n’en souffrira pas, au contraire, il préférera vous porter lorsque vous êtes bien relâché. Votre dos est alors arrondi. Laissez vos talons remonter naturellement. Seul le poids de vos jambes repose sur vos étriers.

Exagérez vos attitudes pour atteindre le juste milieu

L’amplification d’un bon geste ou même d’un mouvement complètement opposé à celui recherché accentue la découverte de nouvelles sensations pour aider à la prise de conscience de votre schéma corporel. Bien sûr, après ces actions exagérées, retournez toujours à des exercices classiques en observant, grâce à une meilleure maîtrise de votre corps, un tonus musculaire plus adapté à vos mouvements.

  • Regard orienté vers le sol / vers les étoiles
  • Epaules contractées, remontées / relâchées, basses
  • Omoplates rapprochés / écartés
  • Epaules exagérément penchées vers l’avant / arrière
  • Coudes exagérément écartés / collés au corps
  • Bras tendus, raides (articulation bloquée) / complètement relâchés, souples comme du caoutchouc
  • Mains-doigts serrés très forts sur des rênes flottantes / desserrés, avec une force minimale pour ne pas perdre les rênes
  • Dos exagérément vouté / creux
  • Bassin exagérément avancé / reculé (image d’une corde qui vous tire à l’avant/arrière de votre ceinture)
  • Genoux serrés, encastrés dans les quartiers de la selle / complètement desserrés, comme pour laisser glisser son assiette dans le fond de la selle
  • Genoux dépliés, jusqu’à extension complète de la jambe / pliés en remontant le bas de jambe, les talons pouvant toucher la selle
  • Talons exagérément descendus / talons remontés
  • Pieds à la perpendiculaire / parallèles aux flancs du cheval

Pour développer votre indépendance des aides et votre coordination, vous pouvez réaliser ces exercices en dissociant la droite et la gauche (doigts de la main droite serrés très fort, alors que ceux de la main gauche sont desserrés par exemple) et/ou les combiner entre eux (genou droit plié, genou gauche détendu, doigts de la main droite desserrés, doigts de la main gauche contractés). Toujours faire attention à garder toutes les autres parties de son corps les plus relâchées possible.

Vérifier en boucle visage détendu, épaules relâchées et respiration

L’expression de votre visage, l’attitude de vos épaules et la nature de votre respiration sont souvent les foyers de beaucoup de contractions qui révèlent des tensions excessives de l’ensemble de votre corps. Voici trois exercices simples pour vous aider à vous relâcher :

  • Détendez votre visage au maximum, par exemple en baillant, en écarquillant les yeux, en desserrant les dents et en plaçant votre langue contre votre palais.
  • Si vous y prenez garde, vous vous surprendrez à remonter facilement vos épaules, surtout dans la difficulté. Apprenez à les relâcher dès que la moindre tension apparaît. Pour cela, vous pouvez de nouveau appliquer le principe de contraction-décontraction : montez vos mains en fléchissant vos coudes et en haussant les épaules, puis relâchez tout.
  • Apprenez à « écouter votre respiration ». Dans un premier temps, observez simplement votre respiration naturelle en plaçant une main sur votre ventre et l’autre dans votre dos. Puis essayer de ressentir l’air qui rentre et sort de votre nez ou de votre bouche.
Apprenez à écouter votre respiration les yeux fermés en "s'écoutant" respirer
Apprenez à écouter votre respiration les yeux fermés en « s’écoutant » respirer @ N.Sanson

Déjà lors de la détente, pensez à vérifier en boucle si vos épaules sont basses et relâchées, votre visage décontracté, sans rictus, et si vous contrôlez votre respiration. Vous verrez l’effet sur votre disponibilité, mais aussi sur celle de votre cheval. Ensuite, quand vous commencez la séance à proprement parler, ajoutez ces objectifs de relaxation. Par exemple, êtes-vous capable de réaliser une épaule en dedans en vérifiant ces trois fondamentaux ? Etes-vous capable d’expirer en entrant dans la zone d’abord d’un obstacle ? Etc. etc.

Une fois maîtrisés, ces exercices ont l’avantage de pouvoir se pratiquer dans toutes les situations, même les plus techniques : mouvement de dressage, abord d’un l’obstacle… entraînez-vous d’abord à l’arrêt, puis en action.

La perception précède l’action : essayez de visualiser en fermant vos yeux et en écoutant votre respiration

A cheval, vous anticipez et prévoyez vos actions dans la mesure du possible. Ces actions sont sans cesse régulées par vos sensations, par la perception que vous avez de votre cheval et de votre propre corps. Le stress, le manque d’expérience ou, au contraire, les automatismes trop ancrés peuvent vous déconcentrer et vous éloigner progressivement d’une bonne qualité de perception. Voici un exercice permettant d’atteindre un état de grande concentration que vous pourrez expérimenter ensuite à cheval :

  • Visualisez l’exercice dans votre tête, comme si vous analysiez une vidéo dans les moindres détails : quel tracé ? quelles aides et quelles actions, à quel moment ? quelle attitude recherchée ?
  • Fermez régulièrement les yeux pour vous centrer sur vos sensations intérieures.
  • Et écoutez votre respiration pour vous aider à mieux vous concentrer, en restant calme et lucide.

Ce travail conscient vous permettra de mieux vous connaître, ressentir et percevoir votre cheval. Petit-à-petit, votre perception va s’affiner, vos sensations vont se préciser, et ce d’autant plus que vous serez déterminé à être à l’écoute de votre corps. Vous devez être à l’affût de toute modification. Il ne s’agit pas uniquement de tenter de reproduire une forme de mouvement juste, mais surtout de se mettre à l’écoute de ce qui se passe « de l’intérieur » en l’exécutant. Seules les expériences acquises par la sensation sont à la fois reproductibles et adaptables à de nouvelles situations.

Pour conclure : Loin d’être inné pour tous, le relâchement musculaire est pourtant fondamental à cheval, comme dans beaucoup de sports. C’est ce qui permet une meilleure efficacité de nos actions. Vous n’êtes pas encore convaincu ? Expérimentez d’abord l’ensemble de ces exercices à pied (soyez inventif) puis appliquez-les à cheval, en veillant toujours à bien respecter la progression suivante : arrêt-pas-trot-galop-obstacle. Vous en apprécierez rapidement les bénéfices, aussi bien sur la qualité de votre équitation que sur la disponibilité de votre monture. Comme on le dit souvent en équitation « pour tirer, il faut être deux » : si vous n’êtes pas vous-même relâché, il y a très peu de chances pour que votre cheval le soit !

Par Nicolas SANSON (Ifce – Ecuyer du Cadre noir de Saumur) et Nelly GENOUX (Ifce)