RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DU VETERINAIRE DANS LE CADRE DE LA VISITE D’ACHAT

Dossier
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La visite d’achat s’entend de « l’examen médical par lequel le vétérinaire mandaté par l’acheteur évalue l’état de santé du cheval au jour de la visite et son aptitude à l’usage déterminé »[1]. Plus spécifiquement, la visite d’achat est « un constat qui a pour but d’informer sur l’état de santé du cheval au jour de la visite, et de mettre en évidence d’éventuels facteurs de risques pour l’utilisation envisagée »[2].

A la lumière de ces définitions, le but affiché de cette visite d’achat est de permettre à l’acheteur d’avoir un avis éclairé quant à la conformité du cheval eu égard à l’usage prévu.

Dès lors, l’acheteur mécontent de son achat, peut-il engager la responsabilité du praticien ?

Cette question est loin d’être anecdotique, les actions en responsabilité contre les vétérinaires ayant réalisé la visite d’achat alimentant régulièrement la jurisprudence.

Le vétérinaire doit mener son examen de manière prudente, consciencieuse, attentive et conforme aux données acquises de la science et s’assurer du consentement éclairé de son client.

Le vétérinaire est responsable du point de vue pénal de tout ce qui est noté dans les documents qu’il signe. Ainsi, le vétérinaire devra apporter le plus grand soin à la rédaction du compte-rendu de visite d’achat et n’y affirmer que des faits dont il a vérifié lui-même l’exactitude (Article R.242- 38). Si le document s’avérait inexact, il s’exposerait à des sanctions pénales.

Le praticien se doit donc de « vérifier avec attention le signalement du cheval qu’il examine avant de rédiger le compte-rendu de la visite d’achat, car ce document attestera que les éléments notés concernent le cheval dont le nom est mentionné »[3].

En revanche,« il n’a pas l’obligation de déceler absolument tous les défauts ou maladies cachées de l’animal, ni de quantifier de manière précise le risque lorsqu’il donne son pronostic. De toute façon, cela serait impossible car la détection de certaines affections demande des examens longs et coûteux, ce qui est incompatible avec un bilan de santé réalisé en vue d’une transaction »[4].

Aucun protocole n’est strictement défini pour réaliser cette visite. Les examens sont donc variables en fonction de l’usage envisagé du cheval, de son prix…et des moyens financiers de l’acquéreur.

Les usages en la matière supposent, a minima, le contrôle de l’identité de l’animal ainsi que de ses vaccins, un examen statique (examen cardio-respiratoire, examen yeux, test de la planche, etc.), un examen dynamique ensuite (au pas et au trot en main, puis en longe sur sols souple et dur, test de flexion, etc…).

Cet examen de base peut être complété par différentes mesures d’investigation : radiographies des membres plus ou moins poussées, test d’effort, endoscopie des voies respiratoires, échographie des tendons, IRM, spermogramme pour les étalons, prises de sang, etc.

Le vétérinaire, en sa qualité de mandataire de l’acheteur, pourra voir sa responsabilité engagée s’il commet une erreur d’appréciation[5]. Etant en outre redevable d’une obligation d’information, il est tenu de conseiller et de rechercher le consentement éclairé du client au regard de l’étendue et de la nature des examens à réaliser propres à établir l’état de santé du cheval et à écarter d’éventuels vices cachés. Il devra porter à la connaissance du client l’état de santé du cheval au jour de la visite et les risques que représentent les anomalies constatées pour l’utilisation envisagée et d’émettre un avis sur les éléments d’informations concernant l’achat afin que l’acheteur puisse apprécier l’opportunité de l’achat en parfaite connaissance de cause. Il s’agit d’informer l’acquéreur sur tous les risques prévisibles, même s’ils sont exceptionnels.

Cette information devra être délivrée de façon claire, appropriée, loyale et intelligible. Si le client estime que le vétérinaire a manqué à ses obligations, il lui appartiendra de démontrer la faute du vétérinaire[6]. Toutefois, l’obligation d’information peut être considérée comme une obligation de résultat et il incombe alors au praticien de prouver qu’il a bien apporté ladite information. Dans le cadre d’une visite d’achat, cette preuve sera matérialisée par le compte rendu de visite.

Les obligations du vétérinaire résultent non seulement des dispositions du Code civil, mais également de ses obligations déontologiques définies par le Code de déontologie :

  •  le vétérinaire ne doit pas entreprendre ou poursuivre des opérations d’expertise dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose (Article. R.242-82) ;
  •  il est interdit au vétérinaire d’établir un diagnostic vétérinaire sans avoir au préalable procédé au rassemblement des commémoratifs nécessaires et sans avoir procédé aux examens indispensables (Article R.242-43) ;
  • le vétérinaire formule ses conseils et ses recommandations, compte-tenu de leurs conséquences, avec toute la clarté nécessaire et donne toutes les explications utiles sur le diagnostic (Article R.242-48-II) ;

L’acheteur potentiel reste maître de sa décision finale au regard du résultat de la visite d’achat.

Mais qu’en est-il de la responsabilité du vétérinaire qui a émis des réserves ?

Dès lors que le client passe outre à l’avis défavorable du praticien établi dans le compte-rendu de visite, sa responsabilité ne pourra plus être recherchée.

Si l’avis est favorable mais avec réserve, non seulement il permettra d’écarter le mise en jeu de la responsabilité du vétérinaire si le problème visé dans les réserves devait rendre le cheval impropre à son usage, mais encore permettra de considérer que le client s’est porté acquéreur en connaissance de cause[7].

En tout état de cause, il appartiendra à l’acheteur de démontrer que l’information erronée ou l’absence d’information ait pu altérer sa décision d’achat[8].

Le vétérinaire est également tenu au secret médical[9]. Cette obligation implique un certain nombre de conséquences dans le cadre de la visite d’achat :

  •  il est impératif que le vétérinaire soit mandaté par l’acheteur et non par le vendeur, le praticien n’ayant une obligation de communiquer le rapport de visite d’achat à un autre que son mandant.
  • Si le vétérinaire choisi pour réaliser la visite d’achat est également le vétérinaire traitant du cheval, cela le place dans une position délicate à l’égard de son client. En effet, le secret médical lui interdit de révéler les antécédents médicaux du cheval à l’acquéreur sans l’accord du propriétaire mais il doit également informer l’acheteur qu’il est le vétérinaire du cheval… La solution consistera alors soit à convaincre le vendeur à autoriser le vétérinaire à donner les antécédents du cheval, soit à choisir un praticien qui n’a pas eu à connaître préalablement du cheval.

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[1]Lecheval, contrats et responsabilité, IDE, 2006, p.80

[2] Le cheval et la vente, IDE, 2008, p.90

[3]BURNET, La Visite D’achat Du Cheval : Approche Pratique Sur Cd-Rom Interactif, Thèse UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD – LYON I (Médecine – Pharmacie) soutenue le 12 Juillet 2007

[4]BURNET, La Visite D’achat Du Cheval : Approche Pratique Sur Cd-Rom Interactif, Thèse UNIVERSITE CLAUDE-BERNARD – LYON I (Médecine – Pharmacie) soutenue le 12 Juillet 2007

[5]CA DOUAI du 24/11/2003 sanctionnant l’erreur d’appréciation du vétérinaire

[6] CA Dijon 16/11/2010, 1ère chambre civile : responsabilité du vétérinaire ayant réalisé la visite d’achat d’un cheval qui s’est mis à boiter quelques jours après la transaction, l’expertise judiciaire ayant révélé alors une erreur d’interprétation des radiographies de la part du praticien qui a effectué la visite.

[7]TGI de Lisieux du 09/07/2008 ; CA de Paris du 06/11/1998

[8]C.Civ.2ème29/06/2017, n°16-19429 ; CA ORLEANS 14/05/2007, n°06/01651

[9]Article R.242-33 Alinéa V du Code de déontologie : « Le vétérinaire est tenu au respect du secret professionnel dans les conditions établies par la loi. »