4 février 2020 - Santé

Mycose des poches gutturales d’un cheval

Dossier
Cheval partenaire et les poches gutturales du cheval

Une maladie mortelle encore peu connue

La mycose des poches gutturales est une maladie qui n’est pas largement connue de la plupart des amateurs de chevaux. La maladie devient de plus en plus courante dans nos régions et est généralement mortelle si elle n’est pas diagnostiquée et traitée à temps.

Il s’agit d’une infection fongique qui affecte les poches gutturales du cheval, entraînant de possibles problèmes de déglutition et un abondant saignement du nez qui, dans la majorité des cas, ne peut être arrêté et s’avère donc fatal pour le cheval.

Article des chirurgiens Equitom Tom Mariën et Mathieu Foucaud

Qu’est-ce qu’une poche gutturale ?

Chaque cheval a deux poches gutturales, situées des deux côtés de la gorge. Ces poches remplies d’air sont un vestige de la trompe d’Eustache et forment une connexion entre la gorge et l’oreille du cheval.

La poche gutturale est une structure remplie d’air et peut être clairement vue par radiographie comme une zone radio-transparente (Photo 1).

Le cliché radiographique de la tête et de la gorge d'un cheval.
Photo 1 : cliché radiographique de la tête et de la gorge d’un cheval. La zone noire radiotransparente montre la poche gutturale.

 

La fonction des poches gutturales reste controversée à ce jour, mais ce qui est certain, c’est qu’il existe des structures très importantes (vaisseaux et nerfs) qui longent ou traversent ces poches.

Vaisseaux sanguins présents au niveau des poches gutturales :

Certaines des principales artères de la tête longent la paroi des poches gutturales. L’artère principale (artère carotide commune) prend son origine au niveau du cœur et, en passant le long du cou, transporte du sang riche en oxygène vers la tête et le cerveau.

Cette artère se divise à hauteur de la tête en plusieurs artéries de diamètre plus restreint (artère carotide interne, artère carotide externe et artère maxillaire) et certaines ramifications vont longer la paroi du compartiment médial de la poche gutturale et d’autres, la paroi du compartiment latéral de cette structure (Photo 2).

Image endoscopique d’une poche gutturale normale.
Photo 2: Image endoscopique d’une poche gutturale normale. L’os de la langue (stylohyoïdien) est situé au centre de la poche et la divise en deux compartiments (latéral et médial). Sur le côté droit de l’os stylohyoïdien, nous voyons l’artère (artère carotide interne) la plus fréquemment colonisée par le champignon. À côté de cette artère, nous voyons un pli de muqueuse dans lequel se situent les nerfs qui sont présents au niveau des poches gutturales.

Nerfs :

Les nerfs de la tête sont au nombre de 12 et prennent leur origine dans le tronc cérébral pour innerver différentes structures. Certains de ces nerfs crâniens (IX, X, XII) traversent les poches gutturales et la présence d’une mycose à cet endroit peut, par l’endommagement des nerfs qui y sont présents, donner lieu à des symptômes neurologiques typiques.

Le nerf glosso-pharyngien (IX) innerve par exemple les muscles de la langue et de la gorge. Le nerf vague (X) innerve une grande quantité de muscles et cartilages et entre autres, les cordes vocales et le larynx. Le nerf hypoglosse (XII) innerve, comme son nom le suggère, la langue (Photo 2).

De plus, des ganglions sympathiques qui prennent leur origine dans le système nerveux autonome sont aussi présents à proximité des poches gutturales.

Infection fongique

La mycose des poches gutturales est une condition dans laquelle une infection fongique se manifeste au niveau de la poche. Un champignon qui est fréquemment incriminé pour ce type d’affection est Aspergillus (Emericella) Fumigatus. Bien que ce champignon soit répandu dans l’environnement, ou dans le foin et la litière avec lesquels le cheval est en contact, des conditions prédisposantes, qui ne sont pas encore très claires à l’heure actuelle, existent pour que ce champignon puisse infester la poche gutturale.

Personne ne sait à ce jour pourquoi certains chevaux sont atteints plutôt que d’autres, mais il semble que certains facteurs climatiques puissent jouer un rôle. La hausse des températures dans notre région en raison du réchauffement climatique pourrait aussi expliquer la prévalence plus élevée de cette condition mortelle qui a été enregistrée ces dernières années.

Une fois installés dans la poche gutturale, les champignons cherchent un endroit optimal où ils pourront se multiplier. Les champignons aiment les températures chaudes et comme il y a de gros vaisseaux sanguins dans les poches gutturales, ceux-cisont des sites de développement idéaux. De plus, les artères sont également la source idéale de nutriments pour ces derniers. C’est l’artère qui est localisée au niveau de la paroi du compartiment médial de la poche gutturale, soit l’artère carotide interne, qui est celle plus fréquemment colonisée par les champignons (photo 3 a et b, photo 4).

 

Image endoscopique d’une poche gutturale qui montre la présence d’une plaque mycotique de taille réduite
Photo 3a et b : Image endoscopique d’une poche gutturale qui montre la présence d’une plaque mycotique de taille réduite au niveau de la paroi. L’infection fongique se manifeste comme une plaque jaunâtre. Dans ce cas, il n’y a pas de vaisseaux sanguins ou de nerfs à proximité de la lésion.
Image endoscopique d’une poche gutturale chez le cheval
photo 3b
Colonisation sévère de la poche gutturale chez le cheval
Photo 4 : Colonisation sévère de la poche gutturale par un champignon (Aspergillus). L’anatomie entière de la poche est méconnaissable.

Symptômes

Initialement, le champignon se développera progressivement sans que le cheval ne manifeste des symptômes ou ne ressente quoi que ce soit et sans que des signes puissent  vous en faire soupçonner laprésence. C’est pourquoi cette condition est si dangereuse.

Avec la progression de l’infestation, les animaux finissent par présenter une épistaxis (sang qui coule du nez) d’intensité variable mais qui peut être sévère, voire fatale.

D’autres pathologies qui ont une moindre importance vitale, comme l’hémorragie pulmonaire induite par l’exercice, l’hématome de l’éthmoïde ou la présence d’une sinusite, peuvent aussi provoquer des écoulements de sang par le nez…

Vu qu’un saignement du nez peut être causé par une pathologie potentiellement mortelle comme la mycose des poches gutturales, il est très important d’écarter cette hypothèse via la réalisation d’une endoscopie (une caméra qu’on rentre par le nez du cheval et qu’on glisse ensuite au niveau des poches gutturales).

Comme mieux détaillé ci-dessous, l’atteinte des nerfs qui longent la paroi des poches gutturales peut donner lieu à des symptômes neurologiques, comme la présence d’une dysphagie (difficulté à mâcher et déglutir des aliments) qui peut causer, entre autre, la présence d’un jetage alimentaire depuis le nez. D’autres signes qui peuvent être remarqués par le propriétaire sont la présence de bruits respiratoires, d’un gonflement visible au niveau de la glande parotide (derrière la gorge) et une asymétrie au niveau des paupières et des oreilles (suite à une paralysie du nerf facial).

Saignement

Le symptôme le plus caractéristique mais aussi le plus dangereux de cette affection est la présence d’une épistaxis (saignements de nez). Comme mentionné précédemment, le champignon s’ancre généralement au niveau de la paroi des vaisseaux sanguins dans la poche gutturale. La paroi des vaisseaux sanguins est ainsi érodée progressivement, ce qui peut entraîner au début un léger saignement. Le sang s’écoule vers la gorge et les cavités nasales depuis les poches gutturales qui sont localisées un peu plus haut par rapport à cette structure.

Cependant, ces petits saignements ne sont pas inoffensifs car plus le champignon se développe, plus la paroi du vaisseau est endommagée. Si la maladie n’est pas diagnostiquée à temps, cela peut engendrer un saignement tellement abondant qu’il peut en devenir fatal pour le cheval.

Symptômes neurologiques

En plus des vaisseaux sanguins, l’infection fongique affecterales nerfs de la paroi des poches gutturales. Cela peut déterminer la présence de symptômes neurologiques en lien avec les structures atteintes. Ces symptômes peuvent ou pas être réversibles après la rémission de la pathologie, cela dépend de leur gravité et de leur durée des symptômes.

  • Dysphagie : cela signifie qu’il est difficile pour les chevaux de mâcher les aliments et de les avaler correctement. Suite à l’atteinte des nerfs qui contrôlent la fonction de la langue et de la gorge, les chevaux affectés mangent souvent lentement et avec difficulté, laissent tomber la nourriture de leur bouche et peuvent présenter des aliments mélangés à de la salive qui coulent du nez. Si un cheval présente de tels symptômes, un examen dentaire et buccal est recommandé, mais certainement aussi un examen endoscopique de la gorge et des poches gutturales. Une des complications plus grave associée à la présence d’une dysphagie, outre le fait que le cheval ne sache pas se nourrir correctement, est la présence d’une possible aspiration d’aliments et de salive au niveau de l’appareil respiratoire et donc le développement d’une pneumonie.
  • Cornage : les nerfs responsables du mouvement des cordes vocales et des cartilages du larynx sont souvent affectés par la mycose. Les symptômes engendrés sont les suivants : bruits respiratoires (ronflements) pendant le travail, intolérance à l’exercice, performances réduites. Le diagnostic est rapidement posé par un examen endoscopique. Si votre cheval présente soudainement des symptômes de cornage pour des raisons inexpliquées, un examen des poches gutturales est clairement recommandé. (Photo 5)
 Image endoscopique de la gorge d'un cheval
Photo 5 : Image endoscopique de la gorge d’un cheval avec des symptômes neurologiques au niveau du larynx (présence d’une paralysie du cartilage aryténoïde gauche). L’innervation des cordes vocales et de l’aryténoïde gauche est endommagée. L’aryténoïde gauche n’est pas bien en abduction (écartée) ce qui diminue la quantité d’air qui va vers la trachée en provoquant des bruits respiratoires (ronflements) pendant l’exercice.
  • Syndrome de Horner : ce syndrome rare est causé par les dégâts occasionnés aux « ganglions sympathiques » et se caractérise par des taches de sueur “à carte géographique” visibles souvent du côté affecté, par une descente de la paupière supérieure, par une protrusion de la troisième paupière et par la présence d’une congestion de la muqueuse oculaire.

Que pouvez-vous y faire ?

Chaque cas de mycose des poches gutturales est considéré comme une urgence. Les chevaux qui présentent soudainement un jetage nasal sanguinolent doivent rapidement être examinés afin de trouver la cause du saignement et écarter la présence potentielle de cette pathologie qui met en jeu la vie du cheval.

Le vétérinaire peut déterminer l’origine du saignement grâce à la visualisation des voies respiratoires et notamment des poches gutturales, par endoscopie.

En parlant du diagnostic différentiel par rapport à cette affection, les causes les plus courantes d’une écoulement du sang unilatéral (d’un seul coté) du nez sont :

  • Une blessure au niveau d’un petit vaisseau sanguin dans les cavités nasales surtout lors des saisons plus chaudes et sèches.
  • Un hématome de l’éthmoïde
  • La présence de corps étrangers
  • La présence de masses ou granulomes au niveau des sinus et des cavités nasales.
  • Si le cheval saigne au niveau des deux narines, cela provient certainement d’une structure plus profonde par rapport aux cavités nasales et le début de la gorge et il s’agit généralement d’un saignement pulmonaire. Cela se produit le plus souvent pendant ou après le travail.

Un examen endoscopique complet du nez, de la gorge, des poches gutturales et de la trachée est donc nécessaire pour chaque type de saignement nasal pour arriver à un diagnostic correct.

Si une mycose de la poche gutturale est diagnostiquée, le cheval doit être transporté d’urgence dans une clinique équine spécialisée pour réaliser, grâce à une procédure chirurgicale, une embolisation (fermeture) des artères affectées, afin de prévenir un potentiel saignement qui pourrait s’avérer fatal.

L’embolisation des artères concernées est très importante et la seule ligature de l’artère carotide commune au niveau de l’encolure (zone la plus facile d’accès) n’est pas suffisante pour empêcher les saignements, car un flux sanguin rétrograde existe au niveau du cerveau (cercle de Willis) vers les vaisseaux sanguins atteints au niveau des poches gutturales.

Pour éviter la persistance du saignement à cause de la présence de ce flux rétrograde, différentes techniques ont été développées et appliquées au fil du temps.

La technique considérée la plus efficace à l’heure actuelle, qui présente la plus grande chance de réussite et qui comporte aussi le moins de complications est la technique “d’embolisation trans-artérielle avec spirale” ou “transarterial coil embolisation”

  • Intervention chirurgicale : « Technique d’embolisation trans-artérielle avec spirale »

Chez Equitom, nous utilisons cette technique récente, peu invasive et qui est tirée d’une technique utilisée en médecine humaine.

La procédure consiste à placer un cathéter à travers l’artère carotide au niveau de l’encolure (artère carotide commune) et de le glisser jusqu’aux artères affectées (photo 6). L’administration d’un liquide de contraste et l’utilisation d’un appareil d’imagerie spécial, le fluoroscope, permettent de guider la pose du cathéter jusqu’au vaisseau sanguin atteint.

Image prise pendant la réalisation de la chirurgie d'un cheval
Photo 6 : Image prise pendant la réalisation de la chirurgie. Sur l’image, nous voyons que l’artère carotide commune au niveau de l’encolure est isolée des tissus à proximité et exposée, avant d’y introduire le cathéter.

Une fois que le cathéter est placé au bon endroit, des ressorts spéciaux (“spirales » ou “coils”) sont placés dans le vaisseau sanguin via le cathéter pour arrêter le flux sanguin (Photo 7).

Chirurgie du cheval
Photo 7 : Image prise pendant la chirurgie. Les chirurgiens viennent d’insérer les spirales (« coils »)au niveau des artères atteintes des poches gutturales.

Ces spirales sont placées au niveau du point le plus dorsal et du point le plus ventral de la poche gutturale pour arrêter le flux sanguin rétrograde au niveau de chaque grande artère qui pénètre dans la paroi des poches gutturales (photo 8).

Image prise par fluoroscopie de la région de la poche gutturale d'un cheval
Photo 8 : Image prise par fluoroscopie de la région de la poche gutturale. À l’aide d’un liquide de contraste, il est vérifié si les artères sont toujours perméables. Si aucun flux sanguin peut être visualisé après la mise en place des spirales, la chirurgie peut être considérée comme un succès.

Cette technique sophistiquée permet de diminuer drastiquement le temps de la chirurgie par rapport aux autres méthodes utilisées.

Elle est également peu invasive et très efficace mais nécessite l’expertise, la précision et l’équipement spécifique nécessaires.

  • Thérapie médicale

La procédure chirurgicale prévient le saignement et réduit l’apport de nutriments aux champignons mais est souvent insuffisante pour les éliminer complètement. Afin d’induire une rémission complète, un traitement médical supplémentaire est nécessaire. Le cheval est donc traité par voie systémique (médication orale) et locale au niveau des poches gutturales avec un médicament antifongique. Afin de réaliser le traitement local au niveau de la poche gutturale, un cathéter peut être mis en place afin d’asperger régulièrement les plaques de mycose.

Le traitement de la poche gutturale atteinte d’une mycose est essentiel et peut sauver la vie du cheval. Néanmoins, les signes cliniques et notamment les signes neurologiques montrés par le cheval lors de la découverte de la pathologie peuvent persister pendant quelques semaines, quelques mois, voire être irréversibles.

En effet, certains chevaux peuvent ne pas présenter de signes neurologiques, ou si c’est le cas, récupérer rapidement une fonction tout à fait normale. D’autres peuvent malheureusement montrer des séquelles neurologiques permanentes comme la présence d’une dysphagie et des bruits respiratoires au repos ou à l’effort.

La récupération dépend de la gravité et de la durée de l’infection fongique présente.

Si nécessaire, le cheval doit être soutenu dans la période post-opératoire et les chevaux atteints de dysphagie nécessitent des soins intensifs et la mise en place d’une sonde au niveau de l’estomac afin de pouvoir être nourris régulièrement.

CONSEILS

Si votre cheval présente un ou plusieurs des symptômes suivants, il est préférable de contacter immédiatement votre vétérinaire pour un examen plus approfondi :

  • Présence d’un saignement nasal ; surtout s’il ne provient que d’une seule narine.
  • Difficulté à mâcher les aliments, troubles de déglutition

Un saignement de nez est une sonnette d’alarme à ne pas ignorer ! Si votre cheval saigne du nez, cela doit être examiné le plus rapidement possible. Si le sang qui sort provient des poches gutturales, une intervention d’urgence est vitale.

N’OUBLIEZ PAS

  • La mycose des poches gutturales est une pathologie grave et si elle n’est pas traitée à temps, elle peut s’avérer fatale pour votre cheval !
  • Plus tôt l’infection fongique est diagnostiquée, moins les dommages aux vaisseaux sanguins et aux nerfs sont importants et plus les chances de guérison sont élevées.
  • Les chevaux qui sont traités trop tard ont souvent des séquelles neurologiques qui peuvent devenir permanentes.
  • Malheureusement, certains chevaux doivent être euthanasiés même après la rémission de l’infection fongique car les lésions neurologiques sont trop graves et irréversibles, les rendant incapables de manger ou boire.
  • Dans certains cas, la perte de sang par le nez est tellement importante qu’une hémorragie fatale peut survenir en quelques minutes. Si le saignement est si abondant, une procédure en urgence doit être réalisée par le vétérinaire traitant du cheval. Cette procédure consiste à fermer avec une ligature l’artère carotide commune au niveau de l’encolure. Dans de nombreux cas, cependant, le saignement est si abondant que cette procédure ne peut être réalisée à temps.
  • Si le saignement n’est pas trop important, ou si le vétérinaire traitant a pu ligaturer l’artère carotide commune, le cheval doit être immédiatement transporté dans une clinique spécialisée afin de fermer les artères qui sont présentes au niveau des poches gutturales par la “technique d’embolisation trans-artérielle avec spirale”.

 

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