La saison des poulinages bat son plein, nous sommes inévitablement confrontés à des troubles au niveau des membres de nos poulains.
Certaines de ces anomalies sont déjà visibles à la naissance (congénitales); d’autres se produisent dans les premières semaines ou les premiers mois suivant la naissance.
En tant qu’amateur de chevaux, il est important d’être conscient de ces problèmes afin de pouvoir les reconnaître le plus tôt possible. Heureusement, il existe une solution pour la plupart de ces conditions si le traitement adéquat est mis en place à temps.
Les poulains qui naissent prématurément ou qui sont affaiblis ont souvent des tendons fléchisseurs et/ou des ligaments insuffisamment forts, ce qui entraine une hyperlaxité de leurs articulations. Cette anomalie se produit souvent à un degré léger chez les poulains nouveau-nés et disparaît donc progressivement à mesure que le poulain vieillit et devient plus fort (photo 1).
Il est important chez ces poulains de contrôler le mouvement jusqu’à ce qu’une position correcte soit obtenue. Un box spacieux et/ou un petit paddock sont idéaux. Parfois, le laxisme est tel que les sabots pointent vers le haut. Dans ce cas, il est préférable de fixer une extension en plastique au niveau des talons sous le pied. Cela servira de levier pour que le poulain pose son pied bien à plat sur le sol (photo 2 a et b et photo 3a et b). Attention, dans le cas de la laxité, placer la jambe dans un plâtre ou même un bandage de soutien affaiblira encore plus les tendons et aggravera la situation.
D’autre part, les tendons fléchisseurs des poulains peuvent au contraire être trop courts, ce qui empêche l’étirement complet de la jambe. Ces poulains présentent alors des jambes tordues: c’est ce qu’on appelle une rétraction des tendons. Cette condition peut être congénitale ou acquise durant la croissance. Le poulain de la photo 4 présente les deux antérieurs repliés dans l’utérus à un angle de presque 90°, non réductible manuellement. En plus des tendons trop courts, l’articulation en hyperflexion se raidit elle-même dans cette position. Par conséquent, les mises bas de ces poulains sont généralement difficiles par les mises bas naturelles et une césarienne peut être nécessaire.
Le traitement des rétractions tendineuses dépend de la sévérité de l’angle du membre (Photo 6). Si le poulain ne peut pas se lever spontanément, une attelle ou un plâtre avec le membre en hyperextension doit être appliqué(e) pour qu’il puisse se tenir debout. Il est important que le poulain marche sur la jambe en question afin que le tendon s’étire progressivement.
Photo 6 : Ce poulain nouveau-né a une rétraction du tendon fléchisseur profond avec une position typique sur le sabot. Le poulain a été traité avec succès à l’oxytétracycline et avec un plâtre en hyperextension.
Le poulain de la photo 5 présente une rétraction tendineuse au niveau du carpe. Cette position est appelé « brassicourt ». La physiothérapie, qui consiste à repousser manuellement et régulièrement les genoux en arrière, en combinaison avec des bandages et attelles sont les principaux traitements pour gérer cette anomalie. Une solution chirurgicale peut être envisagée si les poulains ne répondent pas de manière adéquate.
Chez les poulains très jeunes, l’oxytétracycline en perfusion combinée à des bandage ou plâtre peut améliorer l’efficacité du traitement. En effet, ce médicament entraine une détente des tendons. La plupart des poulains ont de bons aplombs en 3 jours.
Certains poulains naissent tout à fait normalement mais développent une rétraction des tendons plusieurs semaines ou même plusieurs mois après la naissance. Habituellement, ce phénomène se produit lorsque les poulains grandissent trop vite à un certain moment, de telle manière que les tendons ne peuvent pas suivre la croissance du squelette. En général, un ou deux membres antérieurs sont touchés.
Ici, nous avons principalement deux apparitions typiques :
– Rétraction du tendon fléchisseur profond : elle se produit chez les poulains à l’âge de 2 à 8 mois et entraîne le développement d’un « pied bot » typique (photo 7 a et b).
– Rétraction du tendon fléchisseur superficiel : elle se produit généralement chez les yearlings et résulte en une position anormale typique comme celle du poulain de la photo 8. Le tendon fléchisseur superficiel, trop court, tire la 2e phalange vers l’arrière, ce qui provoque la flexion du boulet vers l’avant (photo 8).
Plus vite on constate ces rétractions tendineuses, plus vite on peut intervenir et meilleur est le pronostic. Dans la phase initiale, un parage du sabot en combinaison à un régime alimentaire qui ralentit quelque peu la croissance sont la plupart du temps suffisant. Dans les cas les plus graves, il convient d’utiliser des fers orthopédiques (photo 7a et b) et de procéder à une intervention chirurgicale mineure. Une desmotomie (section du ligament) du ligament accessoire inférieur est réalisée dans le cas d’une rétraction du tendon fléchisseur profond et une desmotomie du ligament accessoire supérieur dans le cas d’une rétraction du tendon fléchisseur superficiel.
Certains poulains naissent également avec un dos bossu (photo 9 a et b) ou un arrière-train crochu (photo 10 a et b et photo 11). Il n’y a pas de traitement spécifique pour cela. Cependant, il est étonnant de voir comment de telles malformations peuvent se rétablir spontanément au cours des trois premiers mois suivant la naissance.
Une autre forme d’anomalie de position sont les déviations angulaires. Ce sont des individus qui présentent des aplombs dit valgus (« panard ») ou varus (« cagneux »), observé aussi bien sur les antérieurs que sur les postérieurs.
Les légères déviations chez les poulains prématurés sont souvent le résultat de ligaments faibles (hyperlaxes) ou d’un squelette insuffisamment durci (photo 12). Un repos stable temporaire, éventuellement combiné à un bandage de type attelle, est suffisant pour obtenir un rétablissement spontané.
Les déviations importantes chez les poulains âgés sont généralement le résultat de troubles de la croissance au niveau des plaques de croissance. Une surcharge de celle-ci peut entraîner une inflammation ou même une fracture. Il en résulte une croissance asymétrique et, progressivement, une jambe courbe. Si la croissance est plus importante à l’intérieur qu’à l’extérieur, l’os croit progressivement en X (Fig 13). À l’inverse, si la plaque de croissance à l’extérieur croît plus vite qu’à l’intérieur, on obtient l’apparence d’une jambe en O.
Les cas légers sont traités avec un parage des sabots (paroi intérieure plus courte pour les varus; paroi extérieure plus courte pour les valgus). Pour les cas plus graves, une ferrure orthopédique adhésive peut être tentée pour diminuer l’écart. En cas de varus, une extension doit être appliquée sur la paroi extérieure (Photo 14 a et b) et pour les valgus, une extension doit être positionnée à l’intérieur (photo 15). Indépendamment du traitement choisi, le poulain doit bénéficier d’un repos au box jusqu’à ce que l’écart de position ait été corrigé et que les fers puissent être retirées.
Lorsque la gestion conservatrice ne s’avère pas suffisante, il est nécessaire de bloquer temporairement la croissance du côté qui croit trop vite jusqu’à ce que le membre soit à nouveau droit. Dans ce cas, une vis est insérée à travers la plaque de croissance pour inhiber temporairement la croissance du côté qui se développe trop rapidement. Il s’agit d’une courte intervention chirurgicale au cours de laquelle une seule petite incision de 5 mm est réalisée et dans laquelle on introduit une vis guidée radiographiquement à travers la physe (Photo 16 a et b, Photo 17 a, b et c, Photo 18 a et b et Photo 19 a, b et c). Après l’opération, le membre tordu se redressera progressivement en 2 à 4 semaines. Dès que la jambe est en position verticale satisfaisante, la vis doit être retirée pour éviter une surcompensation dans l’autre sens !
Pour obtenir un résultat optimal et rapide avec la pose d’une vis, il est nécessaire d’intervenir assez rapidement.
Chaque articulation a une période spécifique de « croissance rapide ». C’est pendant cette période que la plaque de croissance est la plus active et, par conséquent, que les changements de position sont les plus rapides et les plus efficaces.
Voici quelques dates à retenir :
– Boulet (généralement varus ou jambes en O) : croissance rapide jusqu’à 2 mois
– Jarret (généralement valgus ou jambes en X) : croissance rapide jusqu’à 4 mois
– Carpe ou genou avant (varus et valgus ou jambes en O ou en X) : croissance rapide jusqu’à 6 mois
Après ces périodes, une compensation est bien sûr toujours possible, mais elle prendra plus de temps et le résultat final sera peut-être moins optimal. Un traitement chirurgical peut toujours être combiné avec un parage correctif ou une ferrure orthopédique.
Conseils utiles :
– Si votre poulain a une jambe X ou O, demandez conseil à votre vétérinaire. Il vous indiquera si une intervention chirurgicale est nécessaire ou non. Veillez à ne pas attendre trop longtemps pour corriger cette anomalie. À partir du moment où les plaques de croissance sont fermées, il est trop tard et une simple correction chirurgicale n’est plus possible.
– Il est très important de corriger les déviation sévères. Si aucune correction n’est effectuée, les graves déformations exerceront par la suite une contrainte anormale sur l’articulation à l’âge adulte. Par exemple, un cheval avec une jambe en O surchargera fortement l’extérieur de son articulation et la plupart développerons une arthrose sévère précoce avec toutes ses conséquences.
Inflammation des plaques de croissance ou physite :
Les poulains qui connaissent une poussée de croissance sont plus sensibles à une inflammation de celles-ci (physite) due à une surcharge. On le voit le plus souvent au niveau des boulets. Extérieurement, on observe un épaississement dur typique du boulet et les poulains se déplacent souvent de manière un peu raide. Dans ce cas, contactez immédiatement votre vétérinaire pour un examen plus approfondi. Le repos et l’alimentation (aliments moins riches en protéines) sont très importants jusqu’à ce que les plaques de croissance soient suffisamment durcies. Le vétérinaire suivra par radiographie l’évolution de la plaque de croissance. Si aucune mesure n’est prise, des conséquences telles que les déformations angulaires ou une plus grande chance de formation d’OCD ou de kystes osseux peuvent apparaitre.
La prévention des anomalies des membres commence par une alimentation et une vermifugation appropriées de la jument porteuse. Un équilibre minéral et vitaminique est indispensable et entraînera une bonne calcification des plaques de croissance du petit. Les plaques de croissance insuffisamment ossifiées sont moins résistantes et se déformeront donc plus rapidement en raison de la surcharge, ce qui entraînera une croissance déviée. Après la naissance du poulain, les membres doivent être évalués en permanence afin qu’une réaction immédiate puisse avoir lieu dès l’apparition d’une position anormale. Après tout, le développement parfait des jambes est essentiel au futur cheval de sport.
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