5 septembre 2022 - Santé

Intoxications végétales chez les équidés

Dossier
Les plantes toxique et le cheval

Quelles sont les zones à risque ?

De par leur régime alimentaire et le milieu dans lequel ils évoluent, les équidés sont amenés à côtoyer de nombreux végétaux au quotidien. Parmi ces derniers, essentiellement des espèces (graminées et légumineuses) fourragères, mais parfois aussi des plantes indésirables potentiellement toxiques. Si les principales espèces à risque et leurs conséquences sur la santé équine en cas d’ingestion sont de mieux en mieux connues, il peut être intéressant de faire un point sur les zones à risque. Pâtures, prairies de fauche, haies et bordures de parcelles, milieux avoisinant des infrastructures équestres (espaces verts, zones urbaines abandonnées…) etc., selon l’endroit considéré et les conditions pédoclimatiques, les espèces diffèrent et ne présentent pas toutes le même niveau de toxicité. Savez-vous où et quoi surveiller ?

Les prairies pâturées et de fauche, dans des conditions particulières

Un entretien régulier et une bonne conduite de pâturage sur les prairies permettent normalement de maintenir un couvert végétal homogène et de qualité constitué principalement de graminées et légumineuses fourragères, intéressantes d’un point de vue nutritionnel. Le risque d’intoxications végétales y est en général faible, d’autant plus que les chevaux savent en principe sélectionner les végétaux qu’ils consomment en frais. Dans certaines conditions particulières, des adventices (plantes indésirables) potentiellement toxiques peuvent cependant s’y développer au détriment des espèces recherchées, augmentant le risque d’intoxications végétales.

Développement d’adventices sur un couvert prairial abîmé

Plantes toxiques et chevaux
Parcelle surpâturée, avec des zones de sol nues, propices au développement d’adventices potentiellement toxiques © N. Genoux

Qu’elles soient dues au piétinement autour des râteliers et points d’abreuvement/affouragement à la sortie de l’hiver ou au surpâturage pendant la belle saison, les zones de sol laissées nues, raclées et/ou tassées, sont propices au développement d’adventices. Ce sont principalement des plantes herbacées (pluri-)annuelles, dont certaines sont toxiques, comme le séneçon de Jacob (Jacobea vulgaris ex Senecio jacobaea), le séneçon du Cap (Senecio inaequidens) ou encore la porcelle enracinée (Hypochaeris radicata). Souvent plus résistantes à la sécheresse que les espèces fourragères d’intérêt et capables de s’accommoder d’un sol compacté, ces dernières profitent de l’opportunité pour s’installer et entrent en concurrence avec les espèces fourragères. C’est lorsque la ressource en herbe vient à manquer que le danger est maximal. En cas de disette, les chevaux se reportent en effet sur d’autres végétaux, auxquels ils ne s’intéressent pas en temps normal. Il est alors conseillé de les complémenter en foin pour limiter les risques.

Les déséquilibres de pâtures peuvent favoriser le développement de plantes habituellement en faible effectif, qui parfois voient leur population devenir prédominante, et engendrer des accidents avec les chevaux. On peut par exemple citer le coquelicot (Papaver rhoeas), la vesce velue (Vicia villosa), l’ammi élevé (Ammi majus), le millepertuis (Hypericum perforatum)…

La présence de certains arbres/arbustes dans ou en bordure de parcelle

Réservoirs de biodiversité, les haies bocagères permettent aussi de limiter le ruissellement lorsqu’elles sont disposées à la perpendiculaire de la pente. Elles constituent également un abri naturel pour les chevaux en cas d’intempéries (vent, pluie, neige…) et leur offrent des zones d’ombre pour se protéger de la chaleur et des insectes en été.

Plantes toxiques et chevaux
Érables sycomores avec samares prêtes à tomber bordant une pâture pour chevaux © N. Genoux
Chevaux consommant des glands tombés au sol à l’automne, sous une haie de chênes bordant leur pâture © N. Genoux

Malgré l’intérêt écologique certain des haies, certaines essences d’arbres/arbustes qui y sont présentes peuvent s’avérer toxiques pour les chevaux. Là encore, leur présence ne pose pas systématiquement problème, mais des intoxications peuvent avoir lieu à certaines périodes de l’année ou à la faveur de conditions météorologiques particulières. Après un été sec, l’ingestion massive ou chronique de glands de chênes pédonculé et rouvre tombés dans la pâture après de forts vents à l’automne peut par exemple s’avérer fatale pour le cheval. Concernant l’érable sycomore, les cas de myopathie atypique recensés chaque année se concentrent à deux périodes : ils font suite à l’ingestion de jeunes pousses au printemps ou de samares à l’automne. Pour le robinier faux-acacia, c’est l’écorce et les graines qui sont dangereuses ; les piquets de clôture en bois d’acacia doivent donc être écorcés. La présence de l’arbre ne pose généralement pas de problème, sauf si la qualité du couvert prairial vient à se dégrader et que les chevaux n’ont plus rien à manger. Ils peuvent alors se reporter sur l’écorce, qu’ils affectionnent particulièrement.

Les bordures de parcelle mal entretenues

Plantes toxiques et chevaux
Pied de séneçon de Jacob dans un talus enherbé bordant une pâture © N. Genoux
Présence de séneçon du Cap en bordure d’une pâture © G. Gault

Les talus et fossés sont quant à eux des lieux propices au développement de certaines herbacées (pluri-)annuelles plus ou moins toxiques, notamment en été. Peuvent y être retrouvés, le séneçon de Jacob (Jacobea vulgaris ex Senecio jacobaea) et le séneçon du Cap (Senecio inaequidens), ou bien d’autres espèces comme le coquelicot (Papaver rhoeas), la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum), le millepertuis (Hypericum perforatum)… Si la présence des clôtures limite leur consommation par les chevaux, un manque d’entretien peut favoriser le développement de ces plantes au fort pouvoir de dissémination et la colonisation de la parcelle attenante. Attention également aux curages de fossés susceptibles de mettre à disposition des chevaux des tubercules d’œnanthe safranée (Oenanthe crocata).

Dans tous les cas, les espèces potentiellement toxiques rencontrées dans les prairies sont principalement des espèces autochtones, à l’exception des bordures de parcelle le long d’axes routiers où l’on peut par exemple parfois retrouver des espèces importées.

Le milieu environnant les infrastructures équestres

Sorti des prairies, plus on se rapproche des zones urbaines et habitations, et plus la présence de plantes souvent très toxiques est élevée.

Les espaces verts : gare aux déchets et à l’accès aux chevaux !

Laurier-rose © G. Gault
If à baies © G. Gault

En général, les espaces verts (jardins, parcs…) regorgent potentiellement d’espèces hautement toxiques, dont la plupart sont des espèces importées (non autochtones) utilisées pour l’ornement. On y retrouve une diversité d’espèces végétales allant des plantes herbacées – telles le Datura metel, les euphorbes characias (Euphorbia characias) et myrsinites (Euphorbia myrsinites), etc. – aux arbres – tels le cytise (Laburnum anagyroides), l’érable negundo (Acer negundo), etc. – en passant par des arbustes comme l’if à baies (Taxus baccata), le laurier-rose (Nerium oleander), le brugmansia ou encore le laurier-cerise (Prunus laurocerasus L.), etc.

Si les chevaux n’y ont pas accès, leur présence ne pose généralement pas problème, sauf dans des situations particulières. Des intoxications mortelles ont par exemple été répertoriées suite à la présence de feuilles mortes de laurier-rose, très toxiques, déposées dans des bacs à eau par le vent. Les chevaux se sont intoxiqués en s’abreuvant. Dans d’autres cas, des intoxications ont eu lieu suite à la consommation de déchets verts (résidus de tonte/taille…) distribués aux chevaux en pâture. Le comportement humain peut donc aussi être problématique, souvent par manque de connaissances. Il faut simplement retenir que, même si la plupart de ces plantes sont très toxiques, leur présence n’est pas dérangeante si les chevaux n’y ont pas accès et pour peu que les déchets verts ne soient pas déposés dans les prairies !

Les zones non entretenues, réservoirs de plantes envahissantes et toxiques

Pour les centres équestres urbains/propriétés à proximité de zones industrielles, les surfaces abandonnées ou non-entretenues (friches…) sont des réservoirs d’adventices envahissantes et potentiellement toxiques, telles les séneçons, le coquelicot, la porcelle enracinée…

Dans tous les cas, garder à l’esprit que les espèces présentes dans ces zones non entretenues peuvent être amenées à coloniser des prairies pâturées et/ou de fauche situées à proximité. L’implantation de haies peut alors être d’une grande aide, limitant la dispersion des graines par le vent sur les surfaces herbagères destinées à l’alimentation des animaux.

Les nouveaux environnements

Datura stramoine ayant colonisé une pâture © G. Gault

Randonnée, sortie en forêt, déménagement, déplacement en compétition… quelle que soit l’occasion, lors de sorties dans un environnement étranger, les chevaux peuvent y croiser de nouvelles espèces végétales qu’ils ne connaissent pas / auxquelles ils n’ont jamais été confrontés. On peut par exemple citer la fougère aigle (Pteridium aquilinum), surtout dans une utilisation éco- ou sylvopastorale post-incendie, ou encore les genêts à balais (Cytisus scoparius) ou d’Espagne (Spartium junceum), la digitale pourpre (Digitalis purpurea) et le datura stramoine (Datura stramonium). Dans ces cas, il faut redoubler de vigilance, éviter de laisser les chevaux brouter n’importe quoi et/ou de les attacher à n’importe quel arbre/arbuste. La fréquentation du maquis méditerranéen a révélé des intoxications localisées liées à une flore particulière (la férule commune Ferula communis par exemple). L’utilisation du cheval comme consommateur de biomasse combustible suite aux grands feux et pour la prévention des incendies les exposent, comme les autres herbivores, à des plantes inhabituelles dans leur environnement.

Le foin distribué

Le foin peut provenir de prairies contenant ou bordées par des plantes toxiques… Des cas d’intoxications avec des foins contenant du séneçon de Jacob (Jacobea vulgaris ex Senecio jacobaea), du coquelicot (Papaver rhoeas) ou encore de l’adonis (adonis d’été Adonis aestivalis ou adonis d’automne Adonis annua) ont déjà été recensés. Il est donc important de bien connaître ses parcelles de fauche et de s’assurer de l’absence de toute plante toxique quand on produit soi-même ses fourrages ou d’échanger sur le sujet avec l’agriculteur chez qui on s’approvisionne !

Pour conclure… Vous l’aurez compris, les zones où les plantes toxiques peuvent être présentes dans l’environnement des chevaux sont nombreuses. Lorsque les prairies sont bien entretenues et le pâturage bien conduit, le risque d’intoxications végétales reste cependant faible et ces dernières ont souvent lieu dans des conditions bien particulières (liées aux saisons, aux conditions climatiques, à l’agencement du milieu dans lequel vit le cheval…). Il n’empêche que, face au manque de surfaces herbagères suffisantes et d’entretien des prairies inhérent aux structures équestres, à un certain manque de connaissance du public en botanique, à des comportements humains parfois inappropriés, et surtout face aux modifications climatiques en cours… ce risque devrait tendre à s’accroître dans les années à venir. Il est donc essentiel d’acquérir un minimum de connaissances pour limiter les risques d’intoxications végétales et de faire preuve de bon sens.

Par Nelly GENOUX (IFCE) et Gilbert GAULT (RESPE)

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