3 juin 2020 - Santé

Défenses au travail : et si le problème venait des dents ?

Dossier
Les dents du cheval

Comme l’homme, le cheval a besoin d’un suivi dentaire régulier, notamment lorsqu’il est travaillé en mors. Outre les divers problèmes dentaires susceptibles d’être rencontrés au cours de sa vie, le contact du mors avec les dents, associé aux actions de main du cavalier, peuvent en effet mettre la bouche du cheval à rude épreuve. Quel cavalier ne s’est jamais retrouvé face à cette situation déroutante où le cheval, jusque-là bien mis et très maniable, se met soudainement à exprimer des défenses au travail, devenant compliqué voire impossible à monter ? En plus d’impacter le bien-être et la santé du cheval, cette situation nuit également à la sécurité du cavalier et altère la relation et les performances du couple. S’en suivent alors un sentiment d’incompréhension du cavalier et de nombreuses remises en question. Et si les dents étaient à l’origine de ce problème ? Bien sûr, la situation peut avoir d’autres causes (une pathologie, un matériel ou des méthodes inadaptés…). Quels sont alors les points à surveiller et quelles solutions peuvent être mises en place pour y remédier ? Quelques éléments de réponse en 7 points…

❶ Connaître au minimum les particularités de la bouche du cheval

Saviez-vous que, comme l’enfant dans l’espèce humaine, le jeune cheval possède d’abord une dentition lactéale (temporaire) avant l’éruption des dents définitives ? Potentiellement source de fatigue et/ou de douleurs, la chute des dents de lait a lieu entre l’âge de 1 et 5 ans, période durant laquelle la bouche du jeune cheval est particulièrement sensible. Les dents lactéales laissent ensuite place aux dents définitives, caractérisées par une éruption continue de 2 à 3 mm par an. Ainsi, suivant son âge et l’état de ses dents, la bouche du cheval pourra être plus sensible à certains moments. Parfois, une petite dent vestigiale peut également apparaître sur la mâchoire supérieure (ou inférieure) juste devant la première prémolaire : il s’agit de la dent de loup (ou dent de cochon). Du fait de sa position, il est possible que le mors vienne buter contre cette dent ou appuyer contre la saillie créée lorsqu’elle est sous la gencive, provoquant alors des douleurs. Cette dent persiste lors de la chute des dents de lait et nécessite donc d’être extraite si elle provoque une gêne.

❷ Reconnaître les signes évocateurs de problèmes dentaires au travail

Quand le cheval est gêné ou souffre, il l’exprime par son comportement. Soyez vigilant, certains troubles du comportement au travail doivent vous mettre la puce à l’oreille. Ils sont nombreux et variés, bien que certains signes soient plus évocateurs d’un problème de dents, comme les comportements visibles au niveau de la bouche ou les comportements consécutifs à des actions de main du cavalier :

  • Comportements d’inconfort (expressions faciales ou attitudes) : oreilles fréquemment en arrière ou plaquées, naseaux froncés, grincements et claquements de dents, fouaillements de queue…
  • Comportements d’évitement (comportements mis en place par le cheval pour se soustraire à la douleur) : encensement, enfermement, appui sur le mors ou rupture du contact, ouverture de bouche, sortie de langue, passage de la langue au-dessus du mors…
  • Défenses caractérisées : rétivité, cheval qui se bat contre la main, ruades, écarts brusques, demi-tours intempestifs, accélérations brutales, refus d’avancer/tourner/reculer…

Une étude scientifique a montré que la présence d’une dent de loup majore significativement certains troubles du comportement comme l’enfermement chez le cheval monté en mors.

❸ Se remémorer la chronologie d’apparition des comportements anormaux

Depuis quand avez-vous remarqué un changement dans le comportement de votre cheval ? Le problème est-il ancien ou est-il apparu soudainement alors que tout allait bien jusque-là ? Suite à un fait particulier ? A quelle fréquence et quelle intensité ? Dans quelles conditions ? Pour être le plus précis possible et avoir une chance d’identifier rapidement la cause, il est fondamental de bien connaître son cheval et donc de savoir l’observer.

❹ Quid du comportement et de la santé du cheval hors travail ?

Le cheval réagit-il de la même façon au box/paddock/pré qu’au travail ? Des problèmes de dentition peuvent avoir des conséquences sur son comportement alimentaire et la valorisation des aliments :

  • Perte d’état corporel ou difficulté à en reprendre
  • Cheval qui crache des boulettes d’aliment en mangeant
  • Présence de céréales / longues fibres de fourrage non digérées dans les crottins
  • Cheval qui fait magasin (stockage d’aliments dans les joues)
  • Mauvaise haleine
  • Cheval qui mange lentement ou qui ne termine pas sa ration

Si c’est le cas, passez directement à l’étape 7. Sinon, rendez-vous à l’étape 5.

❺ S’assurer que le problème ne vient pas du cavalier

Une main trop dure, un mauvais accord des aides source de demandes contradictoires, une mauvaise assiette, un exercice trop difficile ou mal demandé… parfois, le cavalier, par manque d’adresse et de justesse dans son équitation, est en fait à l’origine du problème. Si vous avez le moindre doute, n’hésitez pas à faire monter votre cheval par un cavalier plus expérimenté. Vous serez vite fixé.

Vérifier la bonne adaptation du matériel et son bon ajustement

On ne le répètera jamais assez, l’utilisation d’un matériel adapté et bien ajusté à la morphologie du cheval est un point fondamental. Il en va du confort, donc du bien-être et de la santé de l’animal. La selle n’est pas le seul critère à prendre en considération. L’adaptation de l’embouchure (taille du mors, modèle) et le bon ajustement du bridon ont également toute leur importance. Un mors trop étroit et une muserolle trop serrée sont susceptibles de plaquer la commissure des lèvres et les joues du cheval contre d’éventuelles surdents et/ou dents de loup/cochon, au risque de léser les muqueuses buccales. Sans faire un cours de bit-fitting, le B-A-BA consiste à respecter la règle des 2 plis à la commissure des lèvres et des 2 doigts sous la muserolle. Si les conflits persistent, observez votre cheval au travail sans mors (en longe en licol par exemple…). Vous verrez très vite si le problème vient de la bouche.

❼ Faire appel à un technicien dentaire équin

Avant même de voir apparaître des signes de problème dentaire, il est recommandé de faire examiner la bouche du jeune cheval par un professionnel (technicien dentaire équin ou vétérinaire) avant de lui mettre un mors. Ensuite, une visite annuelle est conseillée pour entretenir la dentition et prévenir l’apparition de problèmes. La systématisation du dépistage et de l’avulsion précoce des dents de loup/cochon permettent une prise en charge plus aisée, à une période où les dents sont encore peu enracinées. Jusqu’à l’âge de 5-6 ans, les jeunes chevaux peuvent être suivis de façon semestrielle afin de surveiller au plus près la chute des dents de lait et la bonne éruption des dents définitives.

Ensuite, si un problème dentaire est suspecté, faites appel rapidement au professionnel avant que les comportements indésirables ne s’accentuent et risquent de persister après le traitement Ce dernier effectuera un examen buccal/dentaire (vérification de la bonne occlusion des tables dentaires) avant d’apporter d’éventuels soins pour soulager le cheval : nivellement/râpage des surdents et rampes, avulsion des dents de loup/cochon et dents de lait persistantes…

Conclusion : Pour sa santé et son bien-être au quotidien, mais aussi son confort au travail, et donc sa performance, il est fondamental de ne pas attendre que des problèmes surviennent pour se préoccuper de la bouche de son cheval. Prévenir les risques, c’est faire appel à un professionnel avant même de commencer à utiliser un mors, puis pour un entretien régulier. Si un trouble comportemental survient, toujours avoir en mémoire un éventuel problème dentaire (surtout lors de signes spécifiques) en gardant à l’esprit les autres causes possibles : pathologie, douleur ou inconfort liés au matériel, méthode de travail, gestion du cheval… Rester à l’écoute de son cheval et prendre le temps de l’observer est indispensable pour mieux le connaître et réagir au plus vite.

Par Nelly GENOUX et Christine BRIANT (IFCE)

 

Références bibliographiques

POKOÏK M.et JORDAN L., 2017. Gérer la dent de loup du cheval monté en mors. Article équ’idée, janvier 2017.

IFCE, 2017. Bien dans son corps, bien dans sa tête : qu’est-ce que le bien-être du cheval ? IFCE, 424 pages.

Retrouvez les fiches équipédia

https://equipedia.ifce.fr/sante-et-bien-etre-animal/bien-etre-et-comportement-animal/outils-devaluation/les-indicateurs-de-bien-etre-du-cheval-au-travail.html

https://equipedia.ifce.fr/sante-et-bien-etre-animal/bien-etre-et-comportement-animal/outils-devaluation/les-indicateurs-de-bien-etre-du-cheval-au-repos.html