29 août 2024 - Santé

Comprendre le fonctionnement de l’appareil digestif du cheval pour mieux le nourrir

Dossier

© N. Genoux / IFCE

L’appareil digestif du cheval est un système complexe, spécialisé dans la digestion des fibres issues des fourrages (herbe pâturée, foin, enrubanné…) que ce dernier ingère. Le cheval tire ainsi l’essentiel des nutriments (notamment l’énergie) dont il a besoin dans les constituants des fourrages. Rien de plus normal, car il s’agit d’un herbivore, direz-vous ! Oui, mais un herbivore pas tout à fait comme les autres… Contrairement aux ruminants, le cheval ne possède pas de rumen. Ses particularités anatomiques l’obligent à s’alimenter souvent et par petites quantités tout au long de la journée, pendant au moins 15 heures par jour. Un petit voyage le long de son système digestif s’impose. L’objectif ? Comprendre les mécanismes de la digestion afin d’adapter la conduite alimentaire de nos équidés, pour un meilleur respect de leur physiologie digestive, donc de leur santé et leur bien-être.

1) Une bouche à entretenir, avec des dents qui poussent en continu

1er compartiment de l’appareil digestif, la bouche conditionne l’efficacité de la digestion. Elle assure en effet quatre grandes fonctions : la préhension, la mastication, l’insalivation et la déglutition des aliments. En bref, elle prépare le bol alimentaire pour la digestion. Chez le cheval, les dents ont la particularité de pousser en continu. Un régime riche en fibres favorise la mastication et donc une usure naturelle des dents, limitant le développement de surdents. Cela n’exclut cependant pas de faire contrôler régulièrement (dans l’idéal annuellement) la bouche de son cheval par un technicien dentaire équin pour vérifier/corriger l’usure de la table dentaire et soigner les éventuelles affections.

La bouche : 1er compartiment de l’appareil digestif du cheval © IFCE

2) L’œsophage, long conduit étroit à surveiller, sujet aux « bouchons »

L’œsophage permet le passage progressif du bol alimentaire de la cavité buccale jusqu’à l’estomac après déglutition. Très rapide, le transit des aliments dans ce 2ème compartiment de l’appareil digestif du cheval ne prend que quelques secondes. L’exiguïté du conduit rend toutefois le cheval sujet aux obstructions œsophagiennes (aussi appelées « bouchons œsophagiens » ou encore « engouement »), en particulier chez le cheval « glouton » qui ne mastique/insalive pas suffisamment les aliments, notamment les concentrés. Pour limiter les risques, distribuer les aliments de façon à privilégier une position de l’encolure vers le bas, proscrire les repas de concentrés trop volumineux en une seule prise, voire mettre en place des dispositifs (galets dans la mangeoire par exemple) afin de ralentir l’ingestion.

L’œsophage : 2ème compartiment de l’appareil digestif du cheval © IFCE

3) L’estomac, un organe de petite taille à ménager

Chez le cheval, l’estomac est un organe peu volumineux (15 litres) où commence la digestion des protéines et de l’amidon. Les aliments n’y séjournent pas longtemps, mais plus le repas est important et riche en glucides comme l’amidon, moins la vidange gastrique est rapide (8 heures pour les aliments concentrés versus 2 heures pour les fourrages par exemple). Quand la ration quotidienne du cheval comprend des concentrés, il est donc important de fractionner les apports en plusieurs petits repas et de distribuer ces derniers après les fourrages, pour leur laisser le temps d’être digérés plus longtemps.

L’estomac : 3ème compartiment de l’appareil digestif du cheval © IFCE

L’estomac produit un suc digestif contenant principalement de l’acide chlorhydrique en continu, qui participe à la digestion enzymatique des aliments, mais est responsable d’une augmentation de l’acidité naturelle du milieu. La salive sécrétée lors de la mastication des aliments joue un rôle de substance tampon : elle diminue l’acidité lors de l’arrivée du bol alimentaire dans l’estomac. Cependant, la production de salive dépend de la nature (présence de fibres ou non) et de la taille des aliments. Plus l’aliment est fibreux et plus les éléments qui le composent sont grossiers, plus le cheval doit mastiquer et plus le volume de salive produit est important. Ainsi, les fourrages favorisent bien plus la production de salive en comparaison aux concentrés. À partir de là, il est assez facile de comprendre l’importance des fourrages dans la ration et pourquoi le cheval ne doit pas rester à jeun pendant des périodes prolongées (moins de 4 heures). En effet, sans mastication, pas de salivation, et si l’estomac est vide, sa paroi se retrouve alors exposée longtemps aux sécrétions acides, ce qui favorise l’apparition d’ulcères gastriques.

4) L’intestin grêle, un long conduit étroit à épargner

L’intestin grêle est un long conduit (25 mètres) de faible diamètre, représentant un volume de 60 litres. Le temps de passage des aliments dépend de l’individu, de la taille du repas et de la nature des aliments, mais il y est généralement très court : il ne dure qu’une à 3 heure(s). Là encore, plus le repas est riche en amidon, plus le temps de rétention dans l’intestin grêle est long. C’est pourquoi la distribution de petits repas fréquents, répartis au cours de la journée, améliore l’efficacité de la digestion, notamment pour les aliments concentrés dont c’est le principal site de digestion. C’est essentiellement là que vont être digérés les sucres, les lipides et les protéines, grâce aux enzymes digestives contenues dans les sécrétions de l’intestin (sucs intestinaux) et des glandes annexes (bile sécrétée par le foie et suc pancréatique sécrété par le pancréas). Les glucides pariétaux des fibres n’y sont quant à eux pas du tout digérés.

L’intestin grêle : 4ème compartiment de l’appareil digestif du cheval © IFCE

5) Le gros intestin : tout un écosystème microbien à préserver/entretenir avec les fourrages

Très volumineux (200 litres), le gros intestin est la pièce maîtresse de l’appareil digestif du cheval. Sa particularité ? Il est équipé d’un écosystème microbien (aussi appelé microbiote) spécialisé dans la digestion des fibres des fourrages. Les composés issus de la dégradation des fibres par fermentation microbienne peuvent couvrir jusqu’à 60-70% des besoins énergétiques du cheval. En bref, grâce à l’activité des micro-organismes (bactéries fibrolytiques, protozoaires, champignons…) présentes dans le gros intestin, les fibres issues des fourrages peuvent constituer le principal substrat énergétique du cheval.

Cependant, l’équilibre de cette flore intestinale est fragile et très sensible au moindre changement dans l’alimentation. C’est pourquoi il est très important d’effectuer les transitions alimentaires de façon progressive lors d’un changement d’aliments (fourrages ou concentrés). De même, vous l’avez compris, l’apport d’une quantité de concentrés excessive (plus de 4 litres par repas) en une seule prise est à proscrire. La totalité de l’amidon ne pouvant être digérée dans l’intestin grêle, les résidus non digérés transitent alors vers le gros intestin, venant déséquilibrer le bon fonctionnement de l’écosystème microbien en provoquant de l’acidose et favoriser l’apparition de troubles tels que des coliques et des diarrhées.

Le caecum © IFCE

Le gros côlon © IFCE

Le petit côlon © IFCE

Le rectum © IFCE

Pour résumer… Finalement, l’alimentation du cheval, ce n’est pas si compliqué. L’appareil digestif du cheval peut schématiquement se diviser en deux parties :

  • La partie ante-caecale (bouche, œsophage, estomac et intestin grêle) qui assure la digestion d’une partie des nutriments grâce à son activité enzymatique.
  • La partie post-caecale (cæcum, côlon, rectum), siège de la digestion des fibres des fourrages grâce à l’activité microbienne du gros intestin. 

L’appareil digestif du cheval est adapté pour digérer principalement des fibres végétales. L’apport de fourrages est donc essentiel ! La ration doit avant tout être basée sur l’apport d’une quantité suffisante de fourrages. Il peut toutefois être nécessaire de complémenter cette dernière avec des concentrés quand les besoins du cheval le justifient (croissance, fin de gestation, lactation, travail). Dans ce cas, il faudra veiller à fractionner la ration en plusieurs petits repas (pour limiter les apports excessifs d’amidon en une seule prise) et à distribuer les concentrés après les fourrages. Enfin, toujours penser à effectuer une transition progressive d’au moins 10 jours lors d’un changement d’aliment.

Par Nelly GENOUX (IFCE)

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