Que ce soit dans ou à proximité des prairies et paddocks, dans les fourrages, à l’occasion de sorties en extérieur… les plantes toxiques font partie intégrante de l’environnement des chevaux. Même si ces derniers les évitent en général naturellement au pâturage, certaines situations dans leur vie à l’état domestique les amènent parfois à en consommer. Surfaces herbagères insuffisantes en exploitations équines et surpâturage, manque d’entretien des prairies, modifications climatiques… certain(e)s conduites / facteurs entraînent la sélection de végétaux résistants, aux effets souvent indésirables pour la santé des chevaux et au détriment du couvert prairial. Sans compter un certain manque de connaissances du public en botanique qui conduit parfois à des comportements inappropriés. Le risque d’intoxications végétales est donc réel et tend à s’accroître. Si certaines régions, de par leurs conditions pédoclimatiques, sont plus à risque, les chevaux sont exposés sur l’ensemble du territoire. Comment limiter les risques de façon durable ?
❶ Ne jamais donner de déchets verts aux chevaux
Résidus de taille/tonte, feuilles mortes… les déchets issus de l’entretien des espaces verts (jardins, parcs, bords de route…) peuvent potentiellement contenir tout ou partie de plantes toxiques. Vous cherchez à vous en débarrasser ? Pratiquez leur compostage ou emmenez-les à la déchetterie, mais ne jamais les déposer dans les pâtures ou les distribuer aux animaux qui pourraient être tentés d’en consommer, au risque de s’intoxiquer !
Même si certaines espèces végétales sauvages sont toxiques pour les chevaux, les plantes les plus dangereuses sont souvent des espèces plantées par l’homme pour l’ornement (if à baies, laurier-rose, érable sycomore et érable rouge, robinier faux-acacia…).
❷ Ne pas toucher des plantes à la vue des chevaux
Du fait de leur domestication, les équidés s’intéressent au comportement de l’homme. Voir une personne tailler, arracher des plantes ou, pire encore, les leur cueillir, peut par exemple susciter leur intérêt et indirectement les inciter à y goûter, alors même qu’ils n’y toucheraient pas dans la nature. Ce sont des comportements inappropriés, à proscrire absolument.
❸ Apprendre à reconnaître les principales plantes toxiques
Ces mesures n’empêchent malheureusement pas toujours le développement de plantes toxiques dans l’environnement des chevaux, qu’elles soient sauvages et poussent de façon spontanée ou bien qu’elles soient plantées par l’homme pour l’ornement. Toutes ne présentent cependant pas le même niveau de toxicité. Voilà pourquoi il est si important de savoir reconnaître les principales espèces fréquemment rencontrées sur le territoire, afin de les repérer rapidement et d’agir en conséquence.
Quelques exemples (liste non exhaustive)
La rubrique Intoxication alimentaire (en cours de développement) de notre site www.equipedia.ifce.fr en donne un aperçu. L’application Pl@ntNet permet d’identifier les plantes à partir de photographies sur un smartphone.
❹ Bien gérer ses prairies pour préserver la qualité de l’herbe
Pour peu qu’ils aient accès à un couvert végétal en quantité et qualité suffisante, les chevaux savent en général trier ce qu’ils mangent au pâturage et éviter les plantes toxiques. Le risque d’intoxications végétales y est existant, mais modéré. Une bonne gestion des prairies reste la meilleure mesure de prévention ! Pour cela :
- Bien conduire le pâturage en évitant le surpâturage, qui favorise la colonisation des pâtures par des espèces indésirables potentiellement toxiques, et en pratiquant un pâturage tournant pour favoriser une pousse de l’herbe homogène et le maintien d’un couvert végétal de qualité.
- Entretenir ses prairies en fauchant et éliminant les refus, en améliorant la structure du sol (amendement…), en encourageant la pousse des graminées (fertilisation…) et en limitant le développement des adventices.
Cela est également valable pour les prairies de fauche. D’autant plus qu’une fois desséchés dans le foin, les végétaux perdent certaines de leurs propriétés organoleptiques (goût, odeur…). Les chevaux ne sont alors plus en mesure de trier ce qu’ils mangent alors que beaucoup de plantes restent toxiques même après dessiccation. Le risque d’intoxication est alors accru !
❺ Surveiller régulièrement ses parcelles
Plantes herbacées annuelles ou vivaces, arbustes, arbres, haies bocagères ou urbaines… faites régulièrement le tour de vos prairies pâturées et/ou de fauche et de vos paddocks, ainsi que de leurs bordures et environs, pour repérer une éventuelle présence de plantes toxiques dans ou à proximité des parcelles.
Suivant les espèces, certaines parties des plantes (fleurs, fruits, feuilles mortes…) peuvent être transportées par le vent. D’où l’importance de surveiller les lieux avoisinant vos parcelles et pas seulement l’environnement direct des chevaux.
❻ Limiter l’accès des chevaux aux zones à risque
Lorsque des végétaux toxiques sont présents, il est fortement conseillé d’en limiter l’accès aux chevaux. Suivant la plante concernée, son degré de toxicité et sa concentration sur la parcelle, vous pouvez condamner certaines zones de la parcelle, voire la parcelle entière, au moyen de clôtures, de façon permanente ou temporaire aux périodes les plus à risque (émergence des plantules, développement de la plante, chute des fruits…).
Il faut penser au moindre détail, jusqu’à l’emplacement des abreuvoirs et bacs à eau, dans lesquels certaines parties des plantes (fleurs, feuilles, fruits…) peuvent tomber. Comme les toxines sont souvent capables de percoler (diffuser) dans l’eau de boisson, les chevaux pourraient en effet s’intoxiquer en s’abreuvant.
De la même façon, pensez à tailler/tondre les haies/talus régulièrement et installez vos clôtures à bonne distance de ces derniers pour limiter la colonisation de vos pâtures par des végétaux indésirables et leur accès aux chevaux.
Dans certains cas, lorsque le risque est trop grand (toxicité élevée) et/ou qu’il est impossible de limiter l’accès des chevaux aux plantes toxiques (surface contaminée trop grande, pas de parcelles à moindre risque…), la seule solution consiste à les éliminer : arrachage des herbacées quand c’est possible ou utilisation d’un herbicide le cas échant, abattage des arbres/arbustes trop dangereux à proximité directe des chevaux. Cette mesure doit bien sûr être utilisée en dernier recours, seulement si nécessaire.
❼ S’assurer de l’absence de plantes toxiques dans le foin
Si vous produisez vous-même votre foin, c’est la gestion de vos prairies qui sera déterminante. Dans le cas où vous vous approvisionnez chez un agriculteur, spécifiez bien que le foin est destiné à des équidés et n’hésitez pas à échanger sur le sujet avec lui. Une fois les végétaux séchés, il devient très difficile (voire quasi impossible) pour le cheval comme pour l’homme de les différencier. C’est donc bien au moment de la récolte (et même en amont) qu’il faut être vigilant.
❽ Complémenter avec du foin quand l’offre en herbe diminue
En période de disette, les chevaux peuvent s’intéresser à des végétaux auxquels ils ne toucheraient normalement pas. Raison de plus pour limiter le surpâturage ! Lorsque les ressources en herbe s’amenuisent, distribuez du foin à volonté au pâturage pour éviter que les chevaux ne consomment n’importe quoi.
Il en va de même dans les paddocks où l’ennui lié au manque voire à l’absence de ressources alimentaires conduit les chevaux à grappiller tout et n’importe quoi pour s’occuper.
❾ Redoubler de vigilance en cas de stress environnemental
Un changement d’environnement comme un déménagement dans une autre région ou à l’occasion d’une sortie à l’extérieur (forêt…) peut être source de stress pour le cheval. Perturbé dans ses repères, ce dernier doit alors s’adapter à un nouveau climat et/ou découvrir de nouvelles espèces végétales endémiques qu’il n’a encore jamais rencontrées. Le risque d’intoxication est alors plus élevé. En randonnée par exemple, veillez à ne pas attacher votre monture à n’importe quel arbre et à ne pas le laisser brouter à proximité de n’importe quel(le) plante/arbuste.
Avec les modifications climatiques, les épisodes de sécheresse, orages et/ou vents violents, fortes pluies… sont de plus en plus fréquents et parfois très brutaux. Ces conditions météorologiques ont un impact sur la flore composant ou environnant les prairies. Vous devez y être vigilant. Après une période de sécheresse prolongée, un vent violent en fin d’été/début d’automne peut par exemple faire tomber d’importantes quantités de glands ou de samares d’érable sycomore dans les pâtures. C’est bien souvent dans ces conditions particulières que le risque d’intoxication est le plus élevé ! L’ingestion de quelques glands n’a jamais tué un cheval, mais leur consommation en masse à un instant T peut être dangereuse. Dans d’autres cas, comme le séneçon de Jacob, c’est l’accumulation progressive de toxines dans l’organisme suite à une consommation prolongée de la plante au cours du temps qui nuira à la santé du cheval.
❿ (S’)informer
Pour une meilleure prévention, pensez à suivre les alertes du Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe | www.respe.fr) et à déclarer les cas si l’un ou plusieurs de vos chevaux sont victimes d’intoxication végétale.
Pour conclure : Vous l’aurez compris, les intoxications végétales sont un vaste sujet qui demande un minimum de connaissances en botanique, du bon sens et la mise en place de mesures de prévention au cas par cas selon l’agencement de votre parcellaire, la présence de certaines espèces toxiques et les conditions pédoclimatiques pour limiter les risques. Dans la plupart des cas et si les prairies sont de qualité, les chevaux sont parfaitement capables d’éviter les plantes toxiques au pâturage. Le risque est augmenté dans certaines situations particulières. Il faut simplement retenir que les plantes ornementales sont souvent très toxiques et ne doivent pas être accessibles aux chevaux. La meilleure prévention passe par une bonne conduite des prairies et une surveillance accrue, en lien avec les saisons et les conditions météorologiques.
Par Nelly GENOUX (IFCE)