Tremper ou étuver son foin ? Le pourquoi du comment
Qui n’a jamais connu, dans son entourage, un cheval sensible des voies respiratoires, ne tolérant qu’un foin parfaitement sain, sans poussières ou moisissures, sous peine de déclencher du jetage et/ou de la toux ? Ou bien un cheval en surpoids, obèse ou atteint d’une maladie métabolique (fourbure, SME, insulino-résistance, PSSM…) pour lequel il faut limiter l’ingestion de trop grandes quantités de sucres ? Commence alors le casse-tête pour trouver LE foin qui lui convient le mieux… ou le gène le moins. Or, dans la pratique, qu’on l’achète ou qu’on le récolte soi-même, la qualité du foin est très hétérogène suivant l’année, la région, les conditions de récolte. Ainsi, il est très difficile de se procurer un foin répondant à la fois parfaitement aux besoins nutritionnels du cheval et/ou suffisamment sain pour ne pas provoquer de réactions d’hypersensibilité au niveau des voies respiratoires. Pour pallier à ces défauts de qualité, un traitement du foin par trempage ou étuvage est possible. Entrent alors en scène la fameuse brouette remplie d’eau dans laquelle le foin est mouillé voire immergé pendant un certain temps ou encore le purificateur « HAYGAIN ». Seulement, comme toujours dans le vivant, il est très difficile de ne faire varier qu’un seul paramètre à la fois. Ces traitements ont en effet des conséquences sur la valeur nutritionnelle du fourrage et sa teneur en agents pathogènes. Etes-vous vraiment sûr de faire les choses correctement ? Voici ce qu’il faut savoir.
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Une analyse de fourrage, avant toute chose !
Suivant son état de santé et son niveau d’activité physique, chaque cheval a des besoins nutritionnels précis et il est aussi plus ou moins sensible à la qualité sanitaire du foin. Seulement, vouloir traiter son foin à tout prix sans savoir ce qu’il contient n’a pas de sens. Croisée avec la date et les conditions de récolte, ainsi que les principales espèces fourragères présentes dans le fourrage (présence d’épis plus ou moins allergènes), l’analyse sensorielle permet d’apprécier simplement et rapidement la qualité du foin (couleur, odeur, composition, aspect…). Il est ensuite recommandé d’envoyer un échantillon en laboratoire agronomique pour connaître les valeurs alimentaires (teneurs en énergie, protéines, cellulose et minéraux) du foin. Enfin, l’analyse en laboratoire vétérinaire permet de mesurer la teneur et la nature d’agents potentiellement pathogènes (champignons, levures, bactéries).
Suivant les cas, l’enjeu sera d’assainir un foin de piètre qualité sanitaire ou/et de diminuer la valeur alimentaire (notamment la teneur en sucres) d’un foin trop riche. Ce sont les résultats de l’analyse de fourrage et la santé de votre cheval qui vont orienter votre choix entre le trempage et/ou l’étuvage. Mais alors, quel traitement choisir ?
Le trempage : diminuer la teneur en sucres du foin
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Comme son nom l’indique, le trempage consiste à faire tremper le foin en l’immergeant dans un volume d’eau pendant un certain temps (quelques minutes à plusieurs heures) avant distribution.
Conséquences du trempage sur la qualité du foin
Si cette pratique courante permet de réduire notablement le nombre de particules respirables dans l’air (-93 à -96%), elle impacte souvent la qualité nutritionnelle et est susceptible de détériorer la qualité sanitaire du foin. Ainsi, au-delà de 60 min, la teneur en sucres solubles va en effet diminuer, par dissolution dans l’eau de trempage. Les pertes sont toutefois très variables d’un foin à l’autre (-2 à -58%). D’autre part, l’humidité favorise le développement d’agents pathogènes potentiels (prolifération bactérienne…) au risque de nuire à la santé du cheval.
Idéal pour les chevaux en surpoids, obèses ou atteints de maladies métaboliques, sans problèmes respiratoires
Pour les chevaux en surpoids, obèses ou atteints de maladies métaboliques (fourbure, SME, insulino-résistance, PSSM…), l’enjeu consiste à limiter l’ingestion de trop grandes quantités de sucres, notamment les fructanes, impliqués dans l’apparition de ces maladies. Le trempage est donc le traitement de choix pour faire maigrir un cheval (ou l’empêcher de grossir) lorsque l’on dispose d’un foin trop riche. Il peut aussi être utilisé pour les chevaux à problèmes respiratoires, à condition de ne pas dépasser 1h de trempage et de bien l’essorer avant distribution pour limiter le développement d’agents pathogènes.
L’étuvage : assainir le foin
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L’étuvage est une technique de stérilisation du foin par la vapeur d’eau. L’exemple le plus connu est le purificateur « HAYGAIN », caisson dans lequel le foin est enfermé et traité à la vapeur à plus de 100°C pendant environ 50 min.
Conséquences de l’étuvage sur la qualité du foin
En éliminant la quasi-totalité des poussières (-96%) et en détruisant les bactéries (-98 à -99%) et moisissures (-99%) potentiellement pathogènes, cette technique permet de purifier efficacement le foin, sans pour autant nuire à sa qualité nutritive (pas ou très peu d’impacts sur les teneurs en sucres et protéines).
Idéal pour les chevaux à problèmes respiratoires
En purifiant quasi parfaitement le foin, l’étuvage s’avère le traitement de choix pour les chevaux sensibles des voies respiratoires, facilement sujets au jetage et/ou à la toux, voire emphysémateux.
Peut-on combiner les deux ?
Il est enfin possible de combiner les 2 types de traitement pour les chevaux sensibles des voies respiratoires et devant perdre du poids. Il faudra toutefois prendre garde à toujours procéder au trempage avant l’étuvage. C’est une question de logique… L’humidité favorisant le développement d’agents pathogènes, il serait totalement inutile de vouloir faire tremper le foin après l’avoir étuvé !
Vous l’aurez compris, le choix du trempage ou de l’étuvage n’est pas une question de mode. En réalité, c’est un peu plus compliqué… Chercher à limiter le nombre de particules respirables pour un cheval sensible des voies respiratoires est une bonne chose, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la qualité nutritionnelle du foin et vice versa. Chaque type de traitement présente ses avantages et ses inconvénients. Le choix dépend de l’effet recherché (foin moins riche ou plus sain) lui-même dépendant de la qualité du foin et de l’état de santé du cheval. Dans tous les cas, la réalisation d’une analyse de fourrage en amont est indispensable pour savoir ce que contient le foin et choisir le type de traitement en conséquence.
Par Nelly GENOUX (Ifce)
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